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La Danse du vilain - Fiston Mwanza Mujila (2020)
Lorsque Lubumbashi danse malgré toute la désinvolture dans ses rues
By Mame Astou Kebe Posted in Mame Astou Kebe, RDC, Roman on 25 octobre 2020 0 Comments
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Fiston Mwanza Mujila vient de faire paraitre un nouveau roman aux éditions Métailié, un texte s’inscrivant à sa manière à la lutte anti-covid car quoi de mieux qu’un livre pour rester confiner chez soi ?  La Danse du vilain n’est pas simplement un roman à lire pour son histoire valsant entre Lubumbashi et Lunda Norte, entre le Congo et l’Angola mais aussi et surtout pour sa musicalité, son rythme qui me rappelle les griots lors de leurs longues déclamations de récits historiques. Un livre qui donne l’impression d’avoir été écrit pour être dit.

Dès les premières sonorités du livre une femme, une femme avec toute une splendeur, une omniscience, une intemporalité, une mysticité et une puissance. Tshiamuena, la Madone des Cafunfu est une femme controversée et suspectée par les orpailleurs des mines de Lunda Norte d’être une sorcière.

« page 11 – Tshiamuena ceci, Tshiamuena cela ; Tshiamuena possède des ailes, de grandes ailes, et dans ces activités de sorcière, dès que la nuit tombe, elle décolle et voltige sur des dizaines de kilomètres sans le moindre mazout, déverse sur nous la guigne et pirate nos chances de tomber sur les diamants dans le deuxième monde ».

Avec admiration, Fiston s’applique à ériger cette dame au rang d’épopée vivante, lui donnant une place incontournable dans les activités minières mais surtout lui accordant dans une écriture qui force l’acceptation des dualités de caractères, gentillesse et fermeté, simplicité et arrogance, rationalisme et fantaisie. Tshiamuena digne de son caractère omniscient est « une conteuse hors-pair » témoin de la vague migratoire congolaise en Angola dans un but d’exploitation des mines de diamants pendant que les habitants de ce dernier, en pleine guerre, ont le regard tourné.

C’est que tout ce chaos trouve une résonance du côté de Lubumbashi. Fiston évoque des rues de l’ancien Zaïre où on se croirait à un festival de l’illogique : Des enfants ont élu domicile dans les rues, se débrouillant pour survivre et se droguant à la colle à longueur de journée comme pour fuir leurs statuts d’enfants. Des « vieux » s’associent à des enfants pour des missions étatiques, importantes, relevant de la sureté nationale. Un écrivain autrichien trimbale une valise remplie de quelques phrases réécrites des centaines de fois. Face à tout ce Tohu-bohu, Fiston tisse entre ses différents personnages, qui ont d’apparence peu de choses en commun, un fil qu’il noue par une danse, la fameuse Danse du Vilain.

La Danse du Vilain répond à plusieurs choses à la fois : un roman travaillé au corps (le travail quasi artisanal de Fiston qui tel un sculpteur donne une forme bien définie à chaque passage du livre pour faire passer plusieurs types d’émotions), un récit historique du chaos et de la misère postcoloniale de l’Angola, du Congo et au-delà de toute l’Afrique. Le roman répond surtout à un attendu majeur de l’écriture, celui de rendre plus qu’important des choses de la vie qui semble futiles. Fiston, dans une magie dont il a le secret, créé un personnage, celui de la danse du vilain, un personnage à part entière qu’il convoque, décrit, accélère et ralentit :

« page 105 – La danse du Vilain avait deux versions. La plus longue durait une heure et trente-sept ou trente-neuf minutes, la plus courte dix-huit minutes et accessoirement dix quand le DJ baignait dans la colle ».

Alors je reviens à mon assertion du début : La Danse du vilain est un livre qui a été écrit pour être dit. Oui, parce que l’on entend le rythme de ce texte. Mais ce roman reste avant et après tout une grande œuvre littéraire écrite (vous me passerez le pléonasme).

Un article de Mame Astou Kebe
Fiston Mwanza Mujila, La Danse du Vilain
Editions Métailié, paru 2020, 263 pages

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