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La prisonnière - Malika Oufkir et Michèle Fitoussi (1999)

زوين زوين بزاف Ce sera miraculeux et très miraculeux[1]

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La Prisonnière – Malika Oufkir et Michèle Fitoussi (1999)

La prisonnière est le récit de Malika Oufkir. Elle naît en 1953 dans une famille influente du Maroc. Son père, après avoir servi dans l’armée Française, devient l’aide de camp de Mohamed V à l’indépendance. C’est un homme ambitieux et efficace qui gravit rapidement les échelons. La vie de Malika à ses débuts est paisible, tout va bien… Pour l’instant.

Lorsque ses parents emménagent dans “l’allée des princesses” à Rabat en 1957, leurs liens se resserrent avec la royauté. Ses parents sont alors des intimes du palais, “les seuls étrangers à y pénétrer et à se promener partout”[2]. C’est au cours d’une de ses visites avec sa mère que Malika rencontre Lalla Mina, fille cadette du souverain. Elles se disputent, “le roi intervient enfin. Il me prit dans ses bras et me demanda de lui raconter l’incident. ‘Elle a injurié mon père […] et moi aussi j’ai injurié son père et je lui ai arraché la joue”. Un caractère bien trempé qui lui servira à plusieurs reprises. Contre toute attente, le roi décide alors d’adopter Malika comme compagne de Lalla Mina. Elle a 5 ans et son monde s’écroule pour la première fois. Cela en dit long sur un pouvoir auquel on ne peut rien refuser, pas même son enfant.

Le Monde est ma prison si je suis loin de ce[ux] que j’aime

La vie au Palais Yasmina est régie par une féroce gouvernante alsacienne, un cérémonial constant qui rythme le temps et des “[…] enseignants […] recrutés pour leur excellence dans tout le royaume”[3]. En 1961, Mohammed V meurt et Hassan II, demi-frère de Lalla Mina, lui succède.  Peu de choses changent pour les deux jeunes filles. Quelques espaces de liberté totale lorsqu’elles rendent visite à certains membres de la famille royale, échappatoire face à “la nourriture insipide qu’on nous servait à la villa sous prétexte de diététique”[4].  Il y aussi bien sûr le faste, les voyages à travers le pays et le monde.

Malika grandit seule, sa famille lui manque. L’adolescence ne va pas arranger les choses. La formation des jeunes filles et la place de la femme en général dans la cour des deux souverains successifs m’a laissée perplexe. Les cours d’éducation sexuelle donnés par un mollah leur apprenant “que les femmes ne sont que séduction et soumission”[5], le roi qui dit à Malika encore mineure “Des talons très hauts […] te feront travailler le genou. Ils te donneront un bon galbe, un joli mollet, comme un femme”[6]. Les concubines du harem royal aussi chaleureuses soient-elles, sont pour Malika le rappel d’une vie dont elle ne veut pas. Restée rebelle, elle n’a jamais vraiment accepté cette “adoption”. Elle demande à rentrer chez elle, chose qui lui est accordée. Elle a seize ans.

A son retour, sa famille s’est agrandie, deux frères et trois soeurs qu’elle n’a pas connus. Après un temps d’adaptation, les choses reprennent et Malika retrouve ses repères avec ses parents. Une fin d’adolescence faite de fugues nocturnes en boîte de nuit et de voyages. Malika est une élève dissipée, insouciante, “gâtée” selon ses propres dires[7]. La façon dont elle parle de ces années d’innocence est touchante. Innocence et insouciance qui n’ont pas encore été éprouvées.

Elle comprend également peu à peu qui est son père, devenu ministre de l’intérieur en 1967, il est accusé d’être impliqué dans l’assassinat de Ben Barka. Quatre ans plus tard, il déjoue un coup d’état. L’atmosphère se fait de plus en plus pesante et austère. Les putschistes sont de ses amis, ils seront exécutés sans procès. Alors, même si le Général Oufkir est promu à la tête de l’armée, de la police et de l’Intérieur, la rupture avec Hassan II est enclenchée. La répression qui suit le coup d’état de 1971 touche les amis de Malika, elle est mise à l’écart dans son lycée, elle sent directement les conséquences des actes d’adultes. Les désaccords entre son père et le roi s’aggravent:

“Au milieu d’un Conseil des ministres, alors que l’on venait de décider une hausse substantielle de l’huile, du sucre et de la farine, mon père avait sorti son revolver en menaçant de se tuer”. [8]

Je ne t’autorise à verser des larmes que si je meurs comme un criminel[9]

Malika rêve de faire du cinéma mais veut d’abord passer son bac et se lance dans ses révisions. En août 1972, l’avion de Hassan II qui revient de France est mitraillé par des avions de chasse, il survit. Le général Oufkir a échoué, il est exécuté. Des choses assez irréelles se produisent, les condoléances du roi, un deuil et puis, la prison. Malika a dix-huit ans. Elle suit sa mère, ses frères et soeurs tous mineurs ainsi que deux fidèles amies vers une destination inconnue.

La suite de l’histoire, l’emprisonnement (terme bien faible pour décrire ce qu’ils ont vécu) et la disparition dans l’anonymat vont durer vingt ans. Cela pose une réelle question sur notre humanité. Le Maroc n’est pas une exception. Combien d’endroits dans le monde ravalent des vies? Combien de lieux où meurent des innocents? C’est la paralysie générale qui effraie, celle qui permet à la folie de certains de devenir une norme. J’ai lu ce livre en 48h parce que je ne pouvais pas m’arrêter avant de savoir Malika libre,  je ne pouvais pas m’arrêter sur des scènes inhumaines et aller dormir.

L’histoire de Malika est, comme je le disais plus haut, celle du pouvoir. D’un homme entouré d’esclaves, de concubines, d’une aura de sainteté. Un homme qui dira à ses généraux après le coup d’état “Faites de l’argent et oubliez la politique. Enrichissez-vous et foutez-moi la paix!”[10]. C’est cela aussi qui entretient le silence, qui fait que l’on peut “oublier” neuf personnes pendant vingt ans. Malika et sa famille vont survivre, vont trouver des moyens de composer, vont même supplier avec “une pétition signée de [leur] sang”[11] et puis ils vont se libérer.

 

La Prisonnière, Malika Oufkir et Michèle Fitoussi
Editions Grasset et Fasquelle (1999)
Prix des Maisons de la Presse (1999)

 

[1] La Prisonnière, Malika Oufkir & Michèle Fitoussi, p161, Editions Grasset et Fasquelle (1999)
[2] La Prisonnière, Malika Oufkir & Michèle Fitoussi, p29, Editions Grasset et Fasquelle (1999)
[3] La Prisonnière, Malika Oufkir & Michèle Fitoussi, p43, Editions Grasset et Fasquelle (1999)
[4] La Prisonnière, Malika Oufkir & Michèle Fitoussi, p43, Editions Grasset et Fasquelle (1999)
[5]  La Prisonnière, Malika Oufkir & Michèle Fitoussi, p82, Editions Grasset et Fasquelle (1999)
[6] La Prisonnière, Malika Oufkir & Michèle Fitoussi, p82, Editions Grasset et Fasquelle (1999)
[7] La Prisonnière, Malika Oufkir & Michèle Fitoussi, p110, Editions Grasset et Fasquelle (1999)
[8] La Prisonnière, Malika Oufkir & Michèle Fitoussi, p128, Editions Grasset et Fasquelle (1999)
[9] La Prisonnière, Malika Oufkir & Michèle Fitoussi, p120, Editions Grasset et Fasquelle (1999)
[10] http://telescoop.tv/browse/1507375/10/roi-du-maroc-le-regne-secret.html
[11] La Prisonnière, Malika Oufkir & Michèle Fitoussi, p185, Editions Grasset et Fasquelle (1999)

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Hassan II Malika Oufkir Maroc temoignage historique


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