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Le feu du Milieu - Touhfat Mouhtare (2022)
Entre le chaud et le froid, une critique
By Pangolin Posted in Pangolin on 7 septembre 2022 0 Comments
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Touhfat Mouhtare, Le feu du Milieu
(éd. Le bruit du monde)
Première parution en 2022, 354 pages

 

C’est la rentrée, reviennent les cas de conscience, dire quelque chose d’un livre, ou n’en rien dire, y trouver du positif, me méfier de ma méchanceté naturelle, faire ressortir ce qui est bon et atténuer ce qui l’est moins.

J’ai essayé de lire Glory, de NoViolet Bulawayo, chez Penguin Random House, en anglais, j’ai laissé tomber au bout de cent et quelques pages, je n’y arrive pas, pourtant il y a quelque chose, mais tous les zimbabwéens sont des animaux dans le livre, mugabe un vieux cheval, des chiens, des vaches, je me suis emmerdé, je le reprendrai plus tard, j’ai dû passer à côté.

Je suis en train de finir Le feu du milieu, de Touhfat Mouhtare, éditions Le bruit du monde, cas de conscience, suis-je de mauvaise humeur, l’irascibilité des vieillards commencerait-elle à me saisir, disons que ce n’est pas mal, ce n’est pas mal du tout, mais bon, ça part dans tous les sens, où veut-elle aller ?

Ça hésite entre roman lesbien, récit mystique et conte, genres difficiles à concilier, avec voyages dans le temps, trop ambitieux peut-être, j’ai eu l’impression qu’on essayait de me faire avaler trop de choses à la fois, la tentative pour réconcilier féminisme et théologie est un peu naïve, ça serait un peu curieux au final de voir les femmes tirer les textes dans leur sens comme les hommes l’avaient fait avant, tirer le texte dans son sens est malhonnête, et si on ne peut pas dire que les textes sont la cause du patriarcat et de l’esclavage, on peut quand même dire qu’ils sont dedans, des gens ont manifestement tiré le texte dans leur petit sens, c’est une erreur, c’est une erreur de ne pas abolir l’esclavage, c’est une erreur l’inégalité, c’est une erreur de ne pas abolir la pauvreté, on voit aussi, je trouve, qu’égalité et abolition de l’esclavage et de la pauvreté sont dans les textes, mais comme un peu mis de côté, comme si on avait un peu voulu ne pas les y voir… Vers quoi doit évoluer un droit idéal ? L’esclavage à l’évidence n’est pas complètement aboli, tant que la pauvreté ne le sera pas, il y a toujours des supérieurs, des maîtres qui détiennent et dirigent, et des inférieurs, qui rament et obéissent, plus ou moins contraints, le droit idéal est une égalité parfaite, mais l’égalité parfaite quand on a été dénutri étant enfant, ça n’existe pas, l’intelligence parfaite quand tu n’as pas eu les bonnes vitamines étant bébé, ça n’existe pas, l’égalité parfaite c’est quand supériorité et infériorité n’existent pas, quand il n’y a plus de domination, et ce problème, peut-être le seul, la domination, nous reste à dompter encore aujourd’hui, nous y sommes presque, mais nous pouvons encore tout perdre, sous le joug des ultra-riches, eux aussi y sont presque.

Il y a encore une parole dominante et une parole dominée, une parole dominante étant une parole qui fait taire, le but n’est pas d’investir la parole dominante, mais d’abolir ce qui fait taire.

La façon dont Touhfat Mouhtare montre le quotidien de l’esclavage aux Comores est peut-être ce qu’il y a de plus réussi dans le livre, un petit air comorien flotte, un peu ténu quand même malgré la force des fragrances, mais on a droit à vanille, cardamome, ylang-ylang aussi je crois, mais bon elle ne nous met pas le nez dedans, c’est difficile de mettre le nez du lecteur dans les odeurs comoriennes, surtout si elle ou il n’y est jamais allé, c’est ça que je préfère, ce quotidien, les voyages dans le temps et autres changements de corps me laissent assez de marbre.

Je me demande toujours à ce stade quel intérêt j’ai à argumenter des propos négatifs, je ne me suis pas ennuyé, c’est déjà pas mal, c’est agréable à lire, – mais j’ai l’impression de m’enfoncer, pourvu que je ne la croise jamais, je vais me mettre à bégayer, j’ai beaucoup aimé votre livre, très original, ou alors je me cache – j’aimerais tellement encenser une jeune auteure comorienne, j’en ferais des tonnes, je sortirai la cocotte minute des senteurs des îles, je tresserai moi-même des colliers de jasmin.

À un moment la jeune héroïne plonge les bras dans l’eau bouillante pour tremper des fagots de vanille, tu ne peux pas écrire « plonge les bras dans l’eau bouillante », c’est une erreur, ensuite la scène de sexe lesbien me semble assez ratée, voire franchement nunuche, donc si je la croise, je me cache derrière un pilier, plus d’autres encore qu’on risque de croiser en ville.

Ce n’est pas si mal, en élaguant pas mal, en taillant le superflu, en allant à l’essentiel des essences, il y a une écriture qu’on suit, on veut savoir la suite, vous voyez quand je veux, de façon générale, plus on veut écrire des choses extraordinaires, plus il faut de pages pour les faire avaler à la lectrice ou au lecteur, deux petites filles et un maître coranique extraordinaires dans une médina comorienne, une plantation, il faut du temps, et si ces trois-là sont extraordinaires alors ce qui les entoure doit l’être aussi, l’odeur des fleurs de manguier c’est pas extraordinaire ? Quand on vit dedans on ne la sent plus, quand tu plonges ta tête dans des branches de corossol, l’odeur des feuilles, et les pâtisseries, les portes sculptées, il aurait fallu à mon avis ancrer un peu plus le réel, prendre plus de pages pour installer le quotidien et pouvoir ensuite décoller, mais l’écriture de Touhfat Mouhtare est fluide et j’ai lu le livre en quelques heures.

Je n’ai jamais pensé que chacune et chacun disposait d’une intelligence fixe, on devient plus ou moins intelligent ou intelligente, chacune ou chacun peut atteindre la plus grande ou la plus minime intelligence, avec pour chacune et chacun des hauts et des bas, rien ne nous est interdit sur la route de l’intelligence, et rien n’est acquis sur cette route, mais si tu veux écrire un personnage marabout très versé dans les sciences occultes ou je ne sais trop quoi, mieux vaut être quand même assez armée, il y a eu des marabouts très intelligents un peu partout, certains ont été décrits dans des livres, ce que je veux dire c’est qu’il est difficile, surtout dans l’islam, de trouver des personnages très intelligents qui soient omniscients, qui voyagent dans le temps tout ça, qui font boire des écritures lavées, les gens très intelligents savent qu’elles ou ils ne savent rien, ne peuvent rien, ne prévoient rien, ne guérissent rien, etc.

Très intéressant quand même que toutes ces controverses comoriennes, jeunes femmes qui se cherchent, et qui vont très certainement se trouver, je lirai le prochain, je serai peut-être moins méchant en vieillissant, sûrement, mon but n’est certainement pas de faire taire Touhfat Mouhtare, au contraire, j’attends que sa voix s’affermisse et m’apporte prochainement un peu de l’air comorien

Je t’aime aussi.

Pangolin

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