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Afterlives, Abdelrazak Gurnah
BloomsburyBooks, 2020, Prix Nobel 2021
J’ai lu et beaucoup aimé le dernier titre paru du prix Nobel de littérature 2021 Abdulrazak Gurnah, Afterlives, aux éditions Bloomsbury Publishing, publié en 2020, une traduction est prévue en 2023 chez Denoël, « la maison d’édition réédite en décembre Près de la mer et Paradis, d’Abdulrazak Gurnah, Nobel de littérature 2021. Tiré à 10000 exemplaires chacun, les deux titres seront les premiers de l’auteur à paraître en France, depuis sa consécration le mois dernier. Deux autres titres, Adieu Zanzibar et Afterlives seront publiés respectivement en 2022 et 2023. » Dixit Livres Hebdo.
Le livre tourne autour de la guerre de 14/18, commence dans les débuts de l’Afrique orientale allemande fin 19ème début 20ème, pour s’achever dans les derniers délires coloniaux du nazisme puis les débuts des indépendances.
Cette période de la 1ère guerre mondiale en Afrique est assez mal connue, malgré les conséquences très importantes qu’elle a eues, l’auteur nous emmène à hauteur d’homme, et de femme, dans la vie quotidienne de gens simples qui se trouvent entraînés dans ces bouleversements guerriers.
1918 c’est la fin de la guerre mondiale, la défaite de l’Allemagne, la grippe espagnole et ses millions de morts et la révolution russe, ce n’est pas rien, on peut dire que tout change, le monde change complètement, en Afrique les mouvements de population sont les queues de comète des armées en présence, allemande, anglaise, française, belge, portugaise, les askaris, militaires africains de l’armée allemande, et tous les auxiliaires militaires des différentes armées, et la masse des porteurs, le bas de l’échelle, sans uniforme ni chaussures, recrutés plus ou moins de force, mal nourris, mal ou pas payés, et qui désertent au petit malheur la malchance à des milliers de kilomètres de leur point de départ, les porteurs, emblèmes de cette période sur le continent, premières victimes de la guerre mondiale en Afrique.
Cette jeunesse africaine, victime des premières promesses, pour recruter des soldats, promesses d’un avenir meilleur, d’études, d’avancement, de voyages, espoirs assassins de la jeunesse qui lie son sort à celui de l’armée de passage, pari au hasard sur les victoires et les défaites.
Et les villages dépouillés par chaque armée qui passe, ces européens qui se ressemblent tant et pourtant sont ennemis, ces villages qui ne comprennent rien à cette guerre et sont toujours du mauvais côté, pour s’être laissés piller par l’armée précédente, brûlés et brutalisés par les armées successives, jeunesse arrachée, viols, etc.
Le livre raconte le destin de quelques uns de ces jeunes engagés par ignorance, et celui d’une jeune fille qui se retrouve plus ou moins adoptée par une famille de commerçants sur la côte tanzanienne, dans une petite ville, la vie de ces marchands est très agréable à lire, on s’y voit, entre les entrepôts et les ateliers, la vie est assez douce entre eux malgré les fureurs de la guerre alentour
Abdulrazak Gurnah nous emmène au cœur de la vie pleine de charme d’une famille de cette petite ville tanzanienne
Il n’a pas une phrase de trop, chaque phrase apporte son information, c’est très resserré dans le style, assez loin des sinuosités de la littérature arabe, c’est concis et pas bavard, de l’action, des faits, il n’y a pas de gras
C’est très intéressant de voir cette période à l’échelle individuelle, familiale, de voir à échelle humaine comment agissent ces bouleversements majeurs, la violence de ces brassages
Je trouve le prix Nobel tout à fait justifié, en attendant de lire d’autres titres d’Abdulrazak Gurnah, j’ai beaucoup aimé celui-ci, le charme de l’atelier de menuiserie, l’enfant de ces brassages qui murmure tout seul et finit par se mettre à écrire des histoires, comment la littérature émerge de toute cette violence, et j’ai beaucoup aimé la fin, dans les archives allemandes à la recherche d’un disparu, dont on retrouve la trace en Allemagne, destin en vrille d’un jeune qui finit mal, sans dévoiler la fin, tourbillons violents qui écrasent ceux qui voudraient se croire portés
Valeur sûre, donc que cet Afterlives et son auteur Abdulrazak Gurnah, à lire sans hésiter, ne serait-ce que pour réviser cette première moitié de vingtième siècle où l’auteur cite même rapidement la guerre italo éthiopienne des années trente, toutes ces violences portant en germe les instabilités actuelles.
Pangolin
Abdelrazak Gurnah Afterlives Prix Nobel de littérature version anglaise
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