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A capella des promises et des oubliées - Gaël Octavia (2017)
Des corps murs, des rencontres, de la géographie...
By Gangoueus Posted in Antilles, Gangoueus, Poésie on 27 mai 2021 0 Comments
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A capella des promises et des oubliées
Gaël Octavia, Les filles de Balqis, 2017
Je commencerai cette chronique en abordant les dessins que Gaël Octavia partage dans cet ouvrage. A capella des promises et des oubliées est un recueil dont certains poèmes sont illustrés par des croquis ou des dessins aboutis. Du moins c’est ce qu’on pourrait penser. Ces dessins constituent une toile de fond de l’ouvrage représentant des corps de femmes mures, aux formes souvent généreuses, les seins lourds, le ventre tantôt ferme, tantôt obèse. J’aime les dessins de Gaël Octavia qui représentent ces femmes au cou incliné, comme si ce dernier constituait la zone érogène ultime. Ces dessins sont un discours sur la sensualité de certaines femmes. Genre Mame Baby (1) pour celles et ceux qui ont lu le premier roman de l’écrivaine martiniquaise.
Il est bon de signaler qu’avant de lire les poèmes, ces images qui frappent tout de suite l’esprit du lecteur, le distraient également. Car elles peuvent laisser penser que ce livre véhicule avant tout un discours érotique. C’est juste une composante de l’ouvrage. Gaël Octavia incarne ces femmes, elle les qualifie dans le temps, dans l’expérience. Elle efface surtout les hommes dans ces représentations. C’est plutôt déstabilisant. Je vous prie de pardonner le mâle qui sommeille en moi.

La rencontre comme un cantique : Harmonie nécessaire et succession de portraits

Le premier poème de cet ouvrage nous parle de la possibilité du lien entre deux personnes d’un certain âge. Il y a un mouvement délicat autour de deux tasses de thé, on imagine du Darjeeling, en notant la référence à l’Himalaya de la poétesse. Le jeu des couleurs, la peur de déplaire, la démarche de séduction qui dans le fond n’a pas d’âge.
« Il y avait une tasse fumante
  Que les mains de la femme devenue vieille
  Tendaient aux mains de l’homme
  Ils ne se souriaient pas, craignant d’être édentés maintenant »  Cantique. p.7
Je suis conscient qu’extraire une séquence d’un texte peut conduire à une déformation du propos de l’auteure. Ici, il est question d’une rencontre du troisième âge, magnifique moment. Une belle émotion qui introduit le propos de Gaël Octavia. Qui dit rencontre, dit attente comme dans le poème Le bien aimé où il est écrit :
«  L’homme offre lumières, bagues, clochettes, et les femmes aussi se montrent généreuses : baisers, amours et larmes » Le bien aimé, p.9
Lucidité à propos du bien aimé ? Le Don Juan ici au visage de diamant n’a pas le même profil. Il est prêt, affuté, tranchant. On se blesse à son contact. On le dorlote aussi. On peut aussi jouer sur une chapelle dans un lieu où on peut tenter de célébrer, de sacraliser une rencontre où deux mondes très différents se croisent, s’interceptent du côté du quartier de La Chapelle. En faisant référence par jeu à une place parisienne parmi les plus cosmopolites de la planète avec ses Maures, ses Pakis, ses Indochinois…
Prendre l’air, un autre poème, nous propose aussi un cheminement pour un moment, une connexion intense. Ce texte poétique est long. Mais Gaël Octavia est très fine dans ses mots pour dire la relation, la possibilité d’une histoire. Doit-on être prévenu? Est-on seulement attentif aux signaux, aux cris de la nature, de toute nature, pour éviter certains carrefours risqués ?

De l’usage des corps de femmes et des mots

Qu’est-ce que la laideur ? Dites-moi. Peut-elle être un atout ? Ce n’est pas forcément le thème du poème La femme dite laide. Je dirai plutôt que le sujet de ce poème est celui de la rencontre tardive mais efficace et par conséquent, enviée, surprenante. La laideur pour souligner le possibilité de la patience et de la résilience ? Continuons. Je pense à ce poème Jazz, parfait jeu improvisé d’incompréhensions sur le thème de l’amour, sur le fait d’aimer, sur les attentes insatisfaites. Le non dit est haïssable. Le dit aussi.

Descriptions géographiques

J’aime le poème Tango. Vous direz que je suis en quête de sensualité et qui dit Tango… Pourtant, dans ce poème, ce sont les odeurs, les sons, le goût par palais partagés ou encore le contact qu’impose la danse argentine d’origine kongo…
Dans les nuits noires très noires
Dans les ombres
Dans les brumes
Jusqu’aux lumières voilées
Aux ondes étalées
Aux prismes et aux éclairs
Elles inventaient des danses
Talons
Hauts
Mains
Et lèvres
Tango. P.56
Dans ces descriptions, le lecteur voyage avec la poétesse. Sur les hauteurs de l’Himalaya par le biais du transport de feuilles de thé séché. Il suit aussi les chemins de l’Abyssinie ou d’un désert chilien. Dans La dernière femme, cette géographie permet de mieux souligner l’impossible rencontre pourtant nécessaire rencontre pour régénérer l’humanité perdue. Ai-je tout compris ? Bien sur que non, je n’aurais pas la prétention de comprendre le discours d’un poète. Mais, l’enjeu macroscopique de ce recueil est la rencontre. La rencontre amoureuse. Elle prend des formes différentes. Il faut continuer à être ouvert sur la question.
Gangoueus
(1) La fin de Mame Baby, Gaël Octavia, ed. Gallimard, 2017
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