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Dis-moi pour qui j'existe ? - Abdourahman A. Waberi (2022)
Ma fille, ma bataille
By Gangoueus Posted in Djibouti, Gangoueus, Roman on 23 mars 2023 0 Comments
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Dis-moi pour qui j’existe ?
Abdourahman A. Waberi
Ed. JC Lattes, 2022
Ma fille, ma bataille !

Ecrire pour sauver une vie. C’est le titre d’un roman de John Edgar  Wideman. La littérature a cette fonction pour beaucoup d’écrivains. Elle sert de thérapie, d’exorcisme. Je pense à un roman comme Beloved et son côté cathartique. L’écrivain Waberi le dit assez simplement dans mon émission littéraire, Dis-moi pour qui j’existe, son dernier roman lui a permis par le biais de l’écriture d’affronter un événement extrêmement douloureux. Une période délicate de la santé de sa fille.

Il s’agit d’une auto fiction. Donc, il faut donc en tant que lecteur être prudent. Puisque l’écrivain, va partir d’une situation réelle, qu’il vit pour la dépasser et construire tout un discours. Le professeur Aden Robleh est djiboutien. Il enseigne à Washington, à Georgetown, la littérature. Sa femme vit en Europe avec leur fille. Chaque fois qu’il termine ses sessions de cours, il rentre en Europe. La particularité de la situation qu’il vit, c’est l’hospitalisation de sa fille atteinte d’une maladie auto-immune. Une maladie lourde, une sorte d’arthrite qui touche certains enfants. L’écriture et les facetimes sont les moyens par lesquels le père échange avec sa fille. Et le roman va se structurer au rythme de ces discussions plus ou moins longues. Béa est déjà présente dans le roman Pourquoi tu danses quand tu marches ? Elle a six, sept ans. Elle est vive et extrêmement intelligente et elle ne se laisse pas démonter par la maladie. Le dialogue avec son père est donc pétillant, complexe, déséquilibré. Elle rappelle parfois à son père qu’elle n’est pas une adulte et qu’elle ne comprend pas toujours tout à ses développements.

L’échange épistolaire est quelque peu dissymétrique pour le lecteur pointilleux. Mais peut-on reprocher à un père de psychoter, de meubler ses discussions avec sa fille malade à des milliers de kilomètres de lui pour mieux cacher ses angoisses. Béa n’est pas dupe. Si son mental fluctue, elle tente, comme nombre d’enfants dans ce type de situation de protéger son père. La maladie de Béa renvoie Aden Robleh à sa propre enfance à Djibouti. Certaines figures remontent du passé. Papa la Tige, sa grand mère Cochise, Balbala son quartier à Djibouti, la découverte de la langue française et de la littérature comme lieu de refuge, pour lui, le marginal.

De cet échange, on perçoit le sentiment de culpabilité du père, quand la tare est pensée comme étant une tâche héréditaire. Toute la question de la transmission se pose. Le temps de celle-ci varie. Béa est au bénéfice d’une approche plus introspective de son père, parce que cette période sa vie le veut plus apaisée. Peut-être que la distance participe à cet état de fait. Mais il me semble que sa relation avec Béa est particulière, cathartique, unique. Elle permet l’expérience.

Le roman offre au lecteur d’entrer dans le système de santé  français. L’accompagnement, la qualité des soignants. La question n’est pas abordée, mais que serait la situation de Béa si elle était malade aux USA. Sur deux rives de l’Atlantique, je pense à Sylvie Kande,  Waberi nous parle aussi de Washington, des Etats Unis, du pouvoir américain, d’Obama et de Trump. Aden Robleh voue un profond mépris pour le 45è président des États-Unis. D’ailleurs, il a transmis inconsciemment cette approche à sa fille. Il parle de son expérience en tant qu’enseignant, il évoque les valeurs des institutions dans lesquelles il travaille…

Un critique m’a dit avec la passion de la colère que le livre lui est tombé des bras. Je pense que c’est un roman qu’il faut prendre le temps de lire. Il n’a pas forcément l’esthétique des romans précédents de Waberi. D’ailleurs, l’écrivain anticipe cette critique quand il dit en page 251 :

« Quelque chose me dit que je suis sur la bonne voie. En lisant notre premier livre, une lectrice m’a dit que j’écrivais comme un enfant. C’était un reproche. Pour moi un compliment. Le plus beau des compliments à nous deux, Béa ».

Abdourahman A. Waberi que j’ai découvert par Balbala  nous offre un texte complexe sur l’intime, sur la disabilité ou sur l’amour exclusif d’un père pour sa fille. C’est aussi, plus implicitement un discours sur le parcours d’un enfant de Balbala jusqu’à Washington et des constructions à distance. Un texte fort. A chacun sa lecture, qu’elle sera la vôtre ?

 

Gangoueus
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