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Dieu n’habite pas La Havane - Yasmina Khadra 

Don Fuego, Le roseau de Cuba !

Don Fuego, Le roseau de Cuba !

Dieu n’habite pas La Havane, Yasmina Khadra
Don Fuego, Le roseau de Cuba !

Je me réjouis d’avoir repris Dieu n’habite pas La Havane après l’avoir abandonné sur les étagères de ma bibliothèque quelques mois auparavant.  Yasmina Khadra propose une histoire principale autour de laquelle gravitent plusieurs autres. Ces différentes thématiques sont orchestrées et apportent de la consistance au récit. Don Fuego et Mayensi emmènent (j’allais dire trainent) le lecteur dans leurs aventures et péripéties.

Don Fuego, optimisme à l’épreuve du feu

Don Fuego est le nom de scène de Juan Del Monte Jonava, un musicien passionné de la scène. Pendant longtemps, sa voix fait vibrer la Havane et il peut se vanter de s’être produit devant « Fidel ».

A son âge, il est convaincu de son charisme et Jonava n’attend pas de recevoir des éloges. Il sait se mettre en valeur. Son passé, il le fait vivre et le ravive à la moindre secousse comme pour se revigorer et puiser dans ce talent exceptionnel, le courage d’aller contre les vents contraires.

Après la fermeture du Buena Vista, Don Fuego doit ranger son micro, son glorieux passé récent avec. Désormais, il doit quémander ça et là une moitié de scène, s’enticher des premières de collègues tous aussi adulés que lui. Il lui faut gagner de l’argent en même temps que conserver le reste de son honneur.

Mayensi, la parenthèse destructrice

Alors, qu’il fuit l’inconfort du logis envahissant de sa sœur où il crèche désormais, Juan fait une rencontre des plus hasardeuses. Mayensi. Rousse, belle et de 40 ans plus jeune que Don Fuego. Selon les diverses descriptions psychologiques de Khadra, Mayensi couve un ouragan de sentiments aussi violents que destructeurs. La belle rousse est d’une instabilité maladive.

C’est le début d’un long voyage sur une pente rocailleuse et bossue. Ce que vivent Juan et Mayensi prend des allures de passion malsaine par moment, et de sentiment pur et salvateur d’autres fois. Ils ne se promettent rien, avancent à l’aveugle surtout au gré des humeurs et penchants de la jeune femme de 20 ans. Juan est persuadé qu’il est amoureux. Il en remercie le ciel, en oublie ses déboires et surtout son âge.

Son entourage naturellement le prend pour un demeuré. Sa sœur le met légèrement en garde sans plus. Mais son ami Panchito lui est plus incisif.

La suite des événements a tenté de plier le sexagénaire jusqu’au sol, mais Don Fuego est un roseau. Don Fuego rencontre l’amour à un moment où il en attend beaucoup de la providence. Lui si enthousiaste et optimiste semble récompensé par cette providence. Mais son amante est un véritable hologramme. Quand il pense la posséder, elle lui échappe. Il aura tout tenté pour la sauver de ses démons et la rendre apte à goûter aux joies de la passion réciproque.

Yasmina Khadra nous présente une histoire réaliste d’un Cuba en proie à la désillusion où les espoirs se heurtent violemment à une réalité désarçonnante. Comme dans de nombreux états, les dirigeants ont tous les pouvoirs et les citoyens ont déposé entre leurs mains, comme des zombies, leur destin.

Sentiments toxiques

Aimer une personne qui ne nous aime pas, c’est courant. Mais aimer une personne qui ne s’aime pas soi-même, c’est forcément dévastateur. Comme on le dit avec une belle dose de sagesse, celui qui est blessé, blesse.

« il parait que le rêve ne dure qu’une fraction de seconde. Le mien dure depuis deux mois et sept jours. A chacun de mes réveils, il pointe au pied de mon lit, éclatant de lumière, plus intenses qu’hier et les semaines d’avant (…) Avec Mayensi, la graine que je sème me promet des moissons inépuisables. »

Le vieil homme avait besoin d’une parenthèse délicieuse pour oublier ses malheurs et croire que même si la scène lui fait un doigt d’honneur, son cœur peut accéder à d’autres joies, plus exaltantes.

Il y a fort à craindre lorsqu’un sentiment nous emmène à donner, encore, et encore sans rien voir ni recevoir en guise de retour. Don Fuego aura donné, son cœur, son corps, ses rêves, et tout ce qu’il ne sera jamais. On pourrait se demander pourquoi. Eh bien à 60 ans comme à 16, on donne tout pour l’amour sans trop y penser « j’opine du chef et regagne la rue en sifflotant, pareil à un adolescent qui découvre les joies de la puberté pour la première fois. » Comme on est irrésistiblement attiré par l’insaisissable et l’inaccessible, Don Fuego s’est incliné.

Lui qui avait collectionné conquêtes et groupies. Son erreur est certainement d’avoir voulu posséder et enfermer l’objet de ses désirs. Récompensé par son optimisme légendaire, Don Fuego retrouve les cartes pour jouer son bonheur. Il comprend que certaines pages se tournent avec force et détermination. Cuba se souviendra toujours de Don Fuego, le roi de la scène.

Tendance à l’exagération et déjà vu

Yasmina Khadra m’a amusée avec ses descriptions exagérées et réussies.

« Je connais de réputation la plupart des musiciens du groupe. En plus de Manolo, une force de la nature tout droit sortie des forges jupitériennes, il y a Vava qui a mon âge, rondouillard, un tantinet porté sur la bouteille ; Adrian, le doyen, chenu, desséché et sage comme un chef indien… »

Malgré quelques petites longueurs l’histoire est bien ficelée et rythmée. Par moment, la cadence ralentit, parfois, les yeux se précipitent sur les lignes suivantes impatientes de comprendre ce que l’auteur a réservé à notre vedette cubaine.

Je trouve que Yasmina Khadra a raté l’arrêt pour finir en beauté. C’est qu’il a une légère tendance à l’exagération en général. Pas seulement en termes de rhétorique mais aussi de mesure dans le traitement des événements. Le récit aurait été grandiose si la chute de l’histoire avait été plus brève, plus incisive. Pour moi l’histoire s’arrête à la page 254 (l’histoire s’arrête à la page 257). Il n’y a aucun intérêt à ressasser encore et encore les mêmes conclusions.

Yasmina Khadra et Amélie Nothomb se seraient passés le mot. En fin de récit, Dieu n’habite pas La Havane rejoint Antéchrista en termes d’intrigue. Mayensi et Christa sont démasquées après avoir trompé des gens qui les aimaient. Je n’en dirai pas plus au risque de vous gâcher l’effet de surprise.

Tout rentre dans l’ordre quand Don Fuego sait lâcher prise. Comme dirait Henri Lewis, l’art de vivre consiste en un subtil mélange entre lâcher prise et tenir bon.

De son vrai nom Mohammed Moulessehoul, Yasmina Khadra est un écrivain algérien. Il est auteur de plusieurs romans dont Les hirondelles de Kaboul et Pour l’amour d’Elena.

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