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Furia - Mamadou Mahmoud N'Dongo (2024)

De l'art de réaliser une biographie incomplète.

De l'art de réaliser une biographie incomplète.

Furia, Mamadou Mahmoud N’Dongo
Éditions L’Harmattan, 2024

Cela fait quelques années que je n’avais pas lu l’écrivain de Drancy. Il fait partie des auteurs dont j’ai pris le temps d’explorer l’essentiel de l’oeuvre romanesque. Furia s’inscrit dans la continuité des thèmes originaux que propose Mamadou Mahmoud N’Dongo depuis une vingtaine d’années.

Thème du roman : 

Seymour Morrison est un cinéaste accompli. Il a obtenu un Oscar comme meilleur réalisateur et la Palme d’Or du Festival de Cannes. Il entreprend d’écrire sa biographie. Dante, un jeune critique et biographe a été engagé pour construire et produire ce travail. Le roman commence sur une phase d’évaluation du ghost writer.

“T’es pas mon psy, t’es pas mon comptable, t’es pas mon agent, t’es pas mon avocat, bref on n’est pas intimes. T’es un ghost writer. Oui, je vois où tu veux en venir, mais avant writer, il y a ghost ! Tu ne piges pas ou tu ne veux pas comprendre, Kid ! Rewriter, collaborateur, plume, je m’en fous du nom que tu te donnes”

dit le bourru Seymour Morrison à Dante renommé the Kid pour bien hiérarchiser la relation de travail. Ce petit échange pose une règle de ce roman : Définir des rôles avec des mots précis, adaptés. Cela vaut pour décrire le rôle du biographe, mais surtout les différents “acteurs” du cinéma allant du réalisateur au monteur en passant par le metteur en scène. Dès le départ, Seymour Morrison recadre Dante sur sa propre fonction et il définit son niveau d’exigence. Un biographe n’est pas un critique du moins s’il souhaite atteindre l’objectif assigné.

Art de la biographie

Mamadou Mahmoud N’Dongo nous raconte le processus de création dans deux métiers. Celui du biographe d’abord dont il choisit de remplacer les questions de Dante par “…” pour mieux faire entendre le propos du cinéaste.  Il procède par associations d’idées. Un procédé de narration déjà vu dans un autre roman. La discussion est donc beaucoup plus libre. Seymour Morrison conte son parcours, son histoire familiale, ses rencontres, ses créations artistiques, son regard sur Hollywood. La place d’Hollywood où le fils d’un immigré juif venu d’Europe centrale doit changer de nom pour que le public regarde son film. Il y a plein de références intéressantes, une focale sur des cinéastes inspirants, les choix stratégiques pour Seymour Morrison pour trouver sa place dans cet univers impitoyable. Par exemple, pour répondre à la question de Dante : « pourquoi Morrison au lieu de Minsky? » (nom initial du père de Seymour), il remonte à contre le cours de l’histoire d’une famille venue d’Europe de l’Est, ayant survécu en partie à la Shoah. Son père est passé de Minsky à Morrison sur ordre de son directeur d’agence, pour mieux répondre aux standards américains. Et comme l’indique le cinéaste: “Seymour Morrison c’est beaucoup plus rock-and-roll ! » On pourrait disserter sur de nombreux cas d’allégeance à l’industrie cinématographique comme Martin Estevez devenu Martin Sheen ou Antonio Quinones devenu Anthony Quinn à un moment où être hispanique n’était pas bankable… À partir d’anecdotes personnelles ou professionnelles, Seymour nous raconte Hollywood. Sa posture singulière de documentariste exceptionnel glissant vers la fiction ne se fait pas par hasard : ses scénaristes ont grandement participé à cela, à savoir Eva, Samir Reichenbach. C’est passionnant d’écouter ce tonton raconter sa life, ainsi avec humour, gouaille, Dante ayant réussi à le mettre en situation de dire… 

Art de la dissimulation

Je me suis toujours demandé pourquoi, quand il s’agit des questions touchant à l’âme, le meilleur moyen d’accéder à une forme de vérité, c’est de passer par des dispositifs alambiqués, mensongers  ? En lisant ce roman, on ne peut pas dire que Dante ménage Seymour Morrison. D’ailleurs, quand il termine Intérieur nuit, les mémoires d’un cinéaste légende, on est tentés de penser qu’on a fait le tour de la question à propos de ce cinéaste de génie. Je fais ici un aparté. Je ne pense pas que, toi lecteur, tu me démentiras si je te dis que les meilleurs romans sont construits sur de formidables contorsions de l’écrivain pour dire sa vérité sous le make-up épais de la fiction. Alors que cette biographie nous donne beaucoup d’informations, nous instruit sur l’industrie du cinéma, elle ne nous dit pas tout de l’artiste. D’ailleurs on pourrait se demander, s’il n’y a pas chez Mamadou Mahmoud N’Dongo une contestation fine de toutes ces approches de communication, de ces biographies superficielles qui masquent les vrais mécanismes de la création. C’est ce que j’ai pensé, en lisant le deuxième volet de ce roman où le scénariste fournit des éléments complémentaires de l’histoire de Seymour Morrison disparu. Le biographe a-t-il mal fait son job, non. Mais il faut croire que nos vies sont de joyeuses fictions.

Ce roman parle d’amour, d’incompréhensions, d’inspirations, de ces choses qui nourrissent les artistes. On pourrait également aborder la mise en page par fragments qui est une approche assumée par l’auteur de ce roman. L’espacement entre les textes ralentit le rythme emballant des associations d’idées et des enchainements de séquences. 

Nous venons de parler d’un roman qui porte en lui une belle leçon de vie, de biographie et de cinéma. Bonne lecture

Gangoueus

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