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Sincères condoléances - Ayaba Totin
Avez-vous déjà perdu un être cher? Avez-vous expérimenté la douleur qu'une telle perte peut engendrer ? Lisez ce livre. Il explore pour nous les tourments et le désespoir dans lesquels nous basculons à la perte d'un être cher.
By Cecile Avougnlankou Posted in Bénin, Cécile Avougnlankou, Nouvelles on 28 novembre 2020 0 Comments
Né un mardi - Elnathan John Previous Next

Sincères condoléances
un recueil de nouvelles d’Ayaba Totin

J’ai lu Sincères condoléances  le recueil de nouvelles de la béninoise Ayaba TOTIN avec beaucoup de douleur, de déchirement et de joie. Ayaba TOTIN nous y conte la mort dans toute sa laideur. Vaste exploration du cœur humain au lendemain de la perte d’un être cher, Sincères condoléances propose entre ses lignes un sondage des réactions que nous autres humains avons à la suite de la  mort d’un proche. La Mort est abordée ici comme la cessation complète et définitive de la vie des êtres aimés. Une perte qui est pour les survivants un évènement bouleversant et terrible, un choc éprouvant et dévastateur. De tous les maux de notre société que ne manque de passer au crible l’auteur, la mort semble la plus terrifiante et notre lot commun. 

Ce recueil présente à travers des tableaux divers, les réactions des personnages en face de  la mort d’un parent, la souffrance en face du vide béant qui se crée quand un être chéri vient à partir, brusquement. De la France au Bénin en passant par la Côte d’Ivoire et le Togo, les femmes et les hommes évoqués ici vivent les mêmes souffrances à la perte de leur proche. Le vide créé est béant et les regrets sont palpables. Josepha adorait sa mère, elle la retrouve morte dans sa chambre. Elles étaient si proches et se voyaient presque quotidiennement « longtemps il n’y a eu que nous deux… » Lit-on à la page 12. Lenny (bébé en gestation de 5mois) est brutalement arraché à l’affection de sa mère Julisha. Elle apprend lors d’une consultation de routine (pendant une échographie) que son précieux bébé avait subitement arrêté de respirer, elle « en était submergée de douleur ». Ahouefa une amie de la famille vient annoncer à Kara la mort par noyade de son fils Kemi, son petit trésor en vacances à Cotonou avec son père Marco. Kemi… est ma raison principale de me lever le matin depuis quatre ans… » confie Kara à la page 130. Noukpo le mari de Laure tombe pendant un match de football et ne se relève plus… Ces personnages ébranlés par la subite mort de leur parent sont inconsolables. Même ceux qui appréhendaient la mort prochaine de leur parent sont tout aussi meurtris.

L’auteure Gisèle Ayaba TOTIN en choisissant d’explorer le thème de la mort a fait une option bien exceptionnelle et rare. Dédier ainsi exclusivement un livre entier à la mort et au ressenti des personnes, accompagner leur douleur jusqu’à les sortir du tunnel où la vie les a confinés, est une entreprise bien ardue.  Je n’avais jamais lu un livre de ce genre, un livre de la mort. 

Cependant, Sincères condoléances est au fond un livre gai bien qu’assombri à de nombreux endroits par ses morts. En réalité ce recueil est à la fois un livre de désespoir et d’espoir. La mort des êtres chers dans le livre sonne également comme le glas des ennuis, des incertitudes, ou des rancœurs accumulées dans lesquels les personnages végétaient. La mort introduit dans la vie des éplorés un tremplin vers une vie meilleure vers l’apaisement. C’est un livre qui montre que la fin de la vie pouvait être une renaissance, oui un nouveau départ pour les survivants. De la douleur à la douceur, voilà comment je perçois ce livre.  

En effet, chaque perte semble un déclic pour les parents éplorés qui à travers le deuil font un bilan de leur vie. La douleur semble un phare projeté sur leur vie et cette perte devient pour ces âmes chagrines une libération, une renaissance. Ainsi voyons-nous dans le livre nombre de personnages au sortir du deuil reprendre leur vie et faire des choix judicieux : Josepha fortement secouée par la perte de sa mère a connu une descente en enfer… Puis, elle suit un ami au Bénin pour oublier sa douleur et en repart éblouissante, «  A la voir on ne doutait pas que ce séjour en terre africaine lui a été bénéfique. Elle avait pris un peu de poids.» remarque son ami Sorel. Ce dernier tout aussi éploré, peut faire au calme le deuil de sa mère. Ses rancunes contre son père sont apaisées : il a la preuve que les derniers moments de la vie de sa mère sur terre ont été heureux et bien remplis. Julisha a repris goût à la vie, l’avenir est prometteur. Les résultats de l’autopsie de NOUKPO l’époux de Laure ont aidé à sauver la vie de son fils, Laure est désormais « sereine et confiante en l’avenir »… Tous les personnages endeuillés en sorte gagnants. C’est dire combien les humains sont forts et coriaces en face de la douleur. 

Comme vous pouvez le constater, ce recueil est un livre très humain, tendre et « joyeux ». Un hymne à la vie et à la jouissance. Les nombreux témoignages semblent nous dire : « vivez, profitez l’un de l’autre, construisez des souvenirs, seuls ces souvenirs apaiseront les douleurs, le manque, les regrets car vous aurez vécu ! Et pour marquer ce besoin de complicité et de tendresse entre humains, entre parents, entre couple, l’écriture s’est habillée de tendresse. Oui, le livre est parcouru par de belles phrases tendres, presque murmurées, suggérées. Une écriture délicieuse écrite au présent pour rendre toute l’actualité de la mort « omniprésente ». Elle fauche partout et en tout temps. « Nous ne savons jamais ce que la vie nous réserve et les moments de bonheur ne doivent absolument pas nous échapper » conclut l’auteure. 

Sincères condoléances n’est pas un livre pleurnichard, il est simplement la preuve que la vie est faite de haut et de bas. C’est un très beau livre de vie. 

Des armes pour oublier

Quand la mort frappe un être cher, les personnes endeuillées sont si ébranlées qu’elles ont besoin de soutien, de l’empathie de leurs proches parents. Cependant, il peut arriver que ces proches ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas la souffrance qu’éprouvent les personnes directement touchées par le deuil.  Il peut arriver en effet que les autres ne comprennent pas l’étendue de leur peine, encore moins le poids de la souffrance qu’ils éprouvent. 

« Maman me manque cruellement… » p.12 

se plaint Josepha. Vivre sans ces êtres aimés et adulés devient un casse-tête et impose des choix pour le reste du parcourt 

« Le monde n’est plus le même… Il est plus dur, plus hostile, plus triste. Je ne suis pas armée pour affronter ce monde-là. C’est pour cela que j’en ai inventé un nouveau. »

 se justifie Josepha… 

Voilà autant de raisons qui poussent Sorel à se détourner de sa conjointe et rechercher auprès de ses copains et de sa sœur le réconfort qui lui fait défaut chez lui. Ce même besoin de réconfort conduira Josepha dans les bras de Mike. Vadrouiller pour oublier, du sexe pour noyer l’amertume, voilà l’option faite par Josepha pour oublier la mort de sa mère. Une mort brusque, fatale qu’elle ne se résout pas à oublier. Une perte immense vue la complicité qui liait les deux femmes. 

« Je suis la fille unique d’une mère célibataire. Longtemps il n’y a eu que nous deux et aussi loin que je m’en souvienne nous avons toujours été fusionnelles »

Elle est inconsolable. Le sexe devint son exutoire. Pour calmer son traumatisme elle se donne à cœur joie à cette nouvelle idylle qui la sort de son train train quotidien qui lui rappelle constamment sa vie passée dominée par la mère et ses préceptes. L’amour, la lecture, un travail intense et éreintant sont autant de remèdes choisis par les personnages. 

Mes raisons d’aimer Sincères condoléances

Sincères condoléances est un livre singulier aussi bien par sa thématique que par sa forme. En effet, le récit dans ce recueil est un récit entrecroisé entre différents personnages vivant des drames similaires ou réunis par des situations opposées, antinomiques. Ainsi Josepha et Sorel dans la première nouvelle vivent avec douleur la perte de leur mère. Douloureuse perte que chacun affronte avec amertume. Deux personnages perdus, désorientés par la mort de la mère rompue par la maladie : la méningite pour la mère de Josépha, une mort subite et brutale. Le cancer pour la mère de Sorel, une mort lente mais certaine. La mère de Josepha est morte seule sans assistance. Sorel et sa sœur ont porté assistance à leur mère du début jusqu’à la fin. 

« Durant plusieurs semaines, j’ai vu ma mère se battre pour rester en vie. L’image d’elle laissant toutes ses forces dans la bataille contre son putain de cancer restera graver dans ma mémoire. La voir partir m’a brisé le cœur et elle me manque chaque jour davantage. » p15 

Ainsi évolue le livre dans un entrecroisement continu de situations antinomiques, d’attache et de cette volonté soutenue d’aider, de soutenir, d’accompagner.  Julisha voulait de toute son âme un enfant qu’elle perd par une fatale fausse couche. Benjamin n’a jamais voulu avoir des enfants. Ses jumelles il ne les voit qu’une seule fois par an. La vie se chargera de lui apprendre à assumer ses responsabilités en fauchant la mère de ses enfants. Alors que Julisha pleure la perte de son Lenny chéri, Benjamin s’inquiète pour sa vie de père de « jeunes demoiselles » qui s’annonce… Julisha sera une aide formidable pour le nouveau papa en quête de repères. Voilà comment l’auteure dans un jeu de complicité fait évoluer ses personnages qui se soutiennent les uns les autres jusqu’au dénouement.

Parfois même le surnaturel s’invite dans le cours de la vie pour apaiser et redonner espoir comme dans la dernière nouvelle intitulée Veuves. Dans cette nouvelle donc, NOUKPO, le mari mort, demande dans un rêve à la voisine d’aller consoler sa femme désespérée et inconsolable.

J’ai aimé.  

Cécile AVOUGNLANKOU

 Extrait de lecture  du recueil de nouvelles d’Ayaba TOTIN, Sincères condoléances (p55-56) par Jean-Paul Tooh Tooh 

Lareus Gangoueus · Extrait de Sincères condoléances d’Ayaba Totin, lu par Jean-Paul Tooh-Tooh
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