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Safora, une vie de tribulations - Anzata Ouattara (2022)
Short list du POLA 2023
By Patrick Isamene Posted in Côte d'Ivoire, Patrick Isamene, Roman on 12 mai 2023 0 Comments
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Safora, une vie de tribulations, Anzata Ouattara, Mouna 2022.

   “ J’étais consciente que la tâche ne serait pas facile pour moi. La famille de mon mari me détestait. Sidy avait été mon seul soutien et, maintenant qu’il n’était plus, je ne pouvais me tourner que vers Dieu ” p105

1979, Mariama Bâ, écrivaine sénégalaise de premier rang, écrit un roman épistolaire sur la condition des femmes en Afrique de l’ouest. Aujourd’hui, près de 45 ans plus tard, Une si longue lettre est tout simplement perçu comme l’un des plus grands classiques de la littérature africaine. C’est l’un de premiers romans, écrits par une femme, a avoir parlé avec franchise, dans un ton qui convient, de la condition féminine, du droit des femmes, dans une société africaine où coutumes et droit sont en conflit. Plus de quarante ans plus tard, les droits des  femmes sont toujours en berne. Dépouillement de bien après décès de l’époux, mariage forcé avec les parents du défunt… Toutes ces ignominies sont toujours monnaie courante. Ce qu’il faut dire, c’est que le chemin vert le respect des droits de femmes est très long et plein d’embûches. Coutumes, tradition et religion. Ce fléau n’échappe pas aux nouvelles voix féminines de la littérature contemporaine africaine.  Les impatientes de Djaïli Amadou Amal, Celles qui attendent de Fatou Diome, rien que ces deux échantillons de mes récentes lectures prouvent à suffisance que Mariama Bâ a de dignes héritières. Parmi elles, je découvre la voix d’Anzata Ouattara, dans Safora, une vie de tribulations. 

Une lecture fluide et un enchaînement rapide dans la narration, ce roman ne laisse pas de répit au lecteur. Safora, une vie de tribulations est le parcours d’une femme qui passe d’une situation de joie aux remous de la vie, suite au décès de son époux, Sidy. Originaire du Burkina Faso, elle débarque en Côte d’Ivoire, à la recherche de sa tante dont elle ne connaît que le nom. Ses premiers déboires commencent lorsque sa tante chez qui elle vit meurt et qu’elle refuse la demande de son époux qui veut la prendre en mariage. Elle se retrouve alors dans un quartier très reculé, en colocation avec des amies. Dans ces conditions misérables, elle fait la rencontre de Sidy, un homme huppé et très généreux, qui lui donne son cœur et la délivre, elle et ses amies, de cette vie de misère : il leur loue une maison dans un bon quartier, il  donne à chacune un capital de commerce, il aide Safora à suivre quelques cours. Celle-ci se familiarise avec la littérature et tombe sous le charme de certains livres, dont Une si longue lettre. Sans trop attendre, Sidy fait une demande de mariage à Safora. Avant la célébration du mariage, Sidy présente Safora à sa mère au village, cette dernière s’érige contre ce mariage et ne donne son aval qu’après de multiples supplications. Le mariage est célébré et Safora donne naissance au premier enfant, puis à deux jumelles. Depuis son mariage, elle s’illustre dans des actions de charité : elle partage ses biens avec les pauvres, ses amis, et même avec la famille de son époux. Enceinte pour la troisième fois, elle reçoit la triste nouvelle de l’accident et de la mort de Sidy. C’est là que commencent les tribulations. Sa belle famille lui prend tout. Du jour au lendemain, elle se retrouve dans une situation calamiteuse. Le monde lui tourne le dos, sa générosité est payée en monnaie de singe. Elle tente de réclamer ses droits, mais se désiste sur menace de sa belle-mère. Ne sachant pas bien gérer, la famille de Sidy, son frère Rocki en tête, dilapide tous les biens, et finit par tomber dans un fossé de dettes et des arriérées fiscales. De son côté, Safora s’en sort plutôt bien avec quelque petit commerce, puis par la réapparition de sa tante, dont elle avait perdu les traces,  après plusieurs années d’expatriation en Europe. Après plus de sept ans de tribulations, Safora rencontre son destin, celui d’une écrivaine et conférencière à succès. 

La voix de Anzata Ouattara a un très bel effet. Un enchaînement rapide de rebondissements. Les deux heures qui m’ont suffit pour lire ce roman, c’était le passage d’Égypte en Canaan, avec une longue marche dans le désert. Pas essoufflé. Seulement, une question traverse l’esprit du lecteur : cette œuvre est-elle une réadaptation d’Une si longue lettre ? S’il est vrai que le roman d’Anzata Ouattara a un enchaînement différent et plus concentré des faits que celui de Mariama Bâ, quoique, dans le fond, il existe une forte similitude entre les deux ouvrages, Safora, une vie de tribulations a une valeur littéraire propre et incontestable. Il faut lire les dernières pages pour se rendre compte que cette similarité-là n’est qu’un hommage à Mariama Bâ. Anzata Ouattara rattache le témoignage de son personnage et son avenir d’écrivaine au fait d’avoir lu Une si longue lettre.

« Je me souviens encore des ouvrages qu’il m’avait offerts pour m’oublier et rester à la maison. Je pris l’un d’eux : une si longue lettre de Mariama Bâ. La narratrice Ramatoulaye vient de perdre son mari Modou dont elle était la première épouse. Elle met à profit les quarante jours que lui impose la tradition sénégalaise pour écrire une lettre à sa meilleure amie, Aïssatou, exilée aux États-Unis […] Ce roman réveilla en moi de vives émotions et une tristesse sans nom au point où je me posais la question si toutes les femmes avaient le même destin. Que fait l’Afrique des droits des femmes ? À cet instant, je me résolus à écrire mon vécu. Sidy m’avait prévu un avenir d’écrivaine. Eh bien l’heure avait sonné…» p111

Ce roman a une voix qui parle de la lutte pour les droits des femmes en Afrique. Tout lecteur averti trouvera en sa simplicité une vraie puissance. C’est un miroir qui reflète sans détour le vécu quotidien de plusieurs femmes. Sa particularité réside dans le fait que l’auteure établit une relation entre la religion et le défi du droit des femmes. Un bon mariage. Le seul bémol, c’est l’exagération dans certains passages, et sa mise en forme simpliste, qui donne l’impression de lire un manuscrit en correction. 

Patrick Isamene

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