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Le roi de Kahel - Tierno Monemembo (2008)
Un aventurier français chez les Peuls
By Ameth Guissé Posted in Ameth Guissé, Guinée, Roman on 23 octobre 2023 0 Comments
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Editions du Seuil, Prix Renaudot 2008

Quelle belle surprise que ce roman paru il y a quelques années. Un régal, un coup de cœur !!!

Récit captivant, extraordinaire voyage tout au long des 261 pages nous narrant l’histoire d’une aventure migratoire dans le sens inverse de celui qu’on connait aujourd’hui.

Un rêve d’enfant va pousser Aimé Victor Olivier de Sanderval à aller à la conquête du Fouta-Djalon. L’ingénieur intrépide va traverser l’océan, souffrir de maladie, affronter tous les dangers, simplement pour réaliser son rêve d’enfant : atteindre le Fouta-Djalon. Le virus des colonies, il l’avait attrapé en écoutant les récits de son grand-oncle, Simonet. L’auteur nous apprend que les savoureuses aventures des pionniers de la civilisation égarés chez les anthropophages et que la bonté du Christ sauvait in extremis de la marmite bouillante des Zoulous ou des Papous, le faisaient frissonner tous les soirs.

Il nous dit aussi que chez les Olivier on ne venait pas au monde avec le fol orgueil de clamer sa naissance, mais avec la cruelle angoisse de devoir faire au moins aussi bien que papa. A huit ans déjà, c’était clair pour lui qu’il ne se contenterait plus de devenir explorateur, il serait souverain des sauvages à l’image des Romains qui ont civilisé les tribus d’Europe avec les aqueducs, il se donne l’ambition de civiliser les tribus d’Afrique avec le chemin de fer.

En plongeant dans les archives familiales de cet ingénieur, l’auteur nous fait découvrir un grand pan de l’histoire de la Guinée d’avant la colonisation. Ce charmant ingénieur promet aux Peuls d’y construire une ligne de chemin de fer. Bravant tous les dangers, cet aventurier haut en couleur deviendra le favori du roi. On s’attache à lui, on s’attache à cet homme qui veut faire entrer les Peuls dans la modernité avec le chemin de fer non pour des visées impérialistes mais pour faire fructifier le commerce et les échanges. Malgré toute la méfiance des Peuls à l’égard de l’homme blanc en général, une affection se tisse avec lui, avec cet homme venu d’ailleurs et tellement passionné. Ils le considèrent désormais comme un des leurs et le baptisent Yéwé Wéliyéyé Sandarawalia (Lisez Aimé Olivier de Sanderval). Des princesses tombent même amoureuses de lui et des aventures s’ensuivirent. Il ne pouvait résister à ces beautés…

La méfiance légendaire des Peuls, peuple fier et redoutable, il nous l’apprend en nous enseignant que chez ceux-là,
« on s’assoit toujours de biais, mange de biais, parle de biais, s’allie de biais, se fait la guerre de biais et se réconcilie de biais. Se montrer franc est un manque de finesse, se regarder face à face est un impardonnable signe de grossièreté. Chez les gens de la côte, la franchise passait pour la meilleure qualité de l’homme, au Fouta, la duplicité, pour un signe de noblesse et de raffinement. »

Yémé (on l’appellera désormais ainsi) va négocier jusqu’à se voir confier Kahel en alternance avec les Almamy. Il va s’investir grandement à transformer ce bled. Il voit l’Afrique comme l’avenir du monde et s’opposera d’ailleurs à la conquête du Fouta Djallon par ses parents colons qui le qualifient de traître. Il n’en a cure, le Fouta Djallon est sa passion, Kahel est sa patrie.

De retour en France, cherchant à faire avaliser son projet par les autorités, il rencontre toutes les hostilités parce que la France a un tout autre dessein.

Sa femme meurt et, seul avec son fils, il fait un dernier voyage au Fouta-Djalon, bravant les maladies et les guerres. Il assista à la chute du royaume peul et tout ce qu’il avait construit. Ses rêves s’envolèrent… Il retrouve Mangoné Niang, ce Rufisquois devenu son premier sujet à Kahel, rongé par la maladie qui, lui, rentre mourir à Rufisque.

Un beau roman qui nous transporte au cœur du Fouta Djallon de l’époque coloniale.
Et telle une prémonition, Mangoné Niang gît effectivement à Rufisque depuis le mois de décembre 2012.

Comme beaucoup, je découvrais là que Mangoné Niang n’est pas seulement un personnage de fiction et Thierno Monénembo en nommant ainsi un de ses héros dans Le Roi de Kahel, nous étale toute l’amitié et l’affection qui le liaient à ce grand intellectuel.

En sa mémoire, il publia dans Sud Quotidien du 13 décembre 2012 un texte fort poignant. En voici un extrait :

« Tant-pis, qu’il fasse donc ce qu’il veut ce Destin cruel et insensé ! Pour moi, tu seras toujours là, Mangoné avec ta haute taille, ton bel embonpoint, ton teint noir anthracite, ton beau sourire de Dakarois, tes yeux étincelants d’intelligence et de générosité, tes jeans de soixante-huitard attardé, ton crâne ras parfois recouvert d’un galurin tordu (de ceux que portent les jazzmen et les clowns) ! Oui, tu as raison, mon pote : les êtres profonds et sérieux… ne se prennent jamais au sérieux.

Allez, salut ami, adios, hermano !

Repose-toi enfin, mon fier et noble Lébou ! »
Il repose désormais à Thiawlène, Rufisque…
Pathe DIAGNE vient de partir.
Il était un des leurs !
Que la terre leur soit légère…
Ameth GUISSE
Références Chroniques littéraires africaines
A propos de Mangoné Niang :
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