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Mr. Loverman - Bernardine Evaristo (2022)
Vieillesse, homosexualité, virilité décadente...
By Pangolin Posted in Grande Bretagne, Pangolin, Roman on 26 octobre 2024 0 Comments
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Mr. Loverman, Bernardine Evaristo
Editions Globe, première parution en 2022

NDLR : Cet article a été publié par Pangolin à la sortie du roman, en 2022.

Enfin, un livre qui tient bonne compagnie, qui me tient par la main, qui me parle, ça me parle d’autant plus que ça me sort du mal français, à qui manque la liberté de l’intelligence anglaise et l’efficacité de l’intelligence allemande, les intellectuels français sont en renfort des armées, d’abord en soutien de l’armée étasunienne, ensuite en renfort de la présence militaire française en Afrique, en butte à ces méchants russes, à ces méchants chinois, qui ne comprennent rien à notre croisade philanthropique et qui veulent nous ôter le pain de la bouche, donc les intellectuels français se croient honnêtes tout en portant l’uniforme, beaux intellectuels au sourcil froncé, la virilité intellectuelle de la France, tant de beauté, tant de merveilleux zozotages, je pourrais citer des noms, les noms de la honte, de tel expert militaire au toupet blond, une grande zotorité sûrement dans son domaine, ou tel idiot le front barré de la ligne virile de ces sourcils, un idiot, alors la France ? Elle est seulement ridicule ? Zozotante ? Et cette virilité qu’on nous montre, est-elle de saison ? Des paradoxes, mes ami·e·s, il y a metoo d’un côté qui avance et des généraux de réforme qui viennent exhiber leurs vieilles couilles rances dans les média hexagonaux

Bêtise puante qu’il ne faudrait même pas mentionner de peur de se souiller l’esprit, virilité d’opérette qui sonne le glas de la connerie française, plongeons avec Bernardine Evaristo et son Mr. Loverman, traduit par Françoise Adelstain, fort bien traduit, on sent que la traductrice se fait plaisir.

Fuyons donc cette virilité rance à l’odeur de cul-de-sac de la France, attributs de virilité exposés tant dans les commentaires militaires que dans l’agressivité économique, concurrence sans concurrence, morsures sans traces de dents, Bernardine Evaristo, dans son livre, aborde aussi le thème de la vieillesse, la virilité vieillissante, quand la vieille couille essaye de se hisser, par son blabla sur le marché du sexe et de la séduction, tous les coups sont permis, il y a urgence, à se recaser avant la débâcle, avant l’effondrement, avant le désastre personnel, l’échouage, le naufrage de la vieillesse et de la mort.

Donc fuyons, dans le roman de Bernardine Evaristo, nous suivons la vie de deux familles d’origine antiguaise vivant à Londres, entre les années 90 et 2010, il s’avère que les deux darons, au crépuscule de leur vie, avouent qu’ils étaient en couple depuis l’adolescence, deux darons antiguais font leur coming-out à soixante-quatorze ans et décident, après divorce, de vivre ensemble. Ils ont des enfants et des petits enfants et leur vie est déjà derrière eux, alors comment tout ce monde va-t-il prendre tout ça ? Les épouses le vivent assez mal mais rebondissent dans la spiritualité aux bras d’amours de jeunesse. Comment le Londres militant va regarder ces deux ovnis ?

L’un des deux amants sur le tard veut quitter sa femme qui lui pompe l’air depuis cinquante ans et attend le moment propice pour lui balancer le morceau, mais le retour des femmes à Antigua va couper l’herbe sous le pied de ses révélations.

Les personnages, surtout ceux des deux hommes, les deux amants, sont très bien construits, ils ne représentent qu’eux dans l’époque et au lieu où ils sont, invisibles, ou pas, selon qui regarde, sapés rétro, pleins aux as, à l’aise quoi, intelligents, avec des enfants et des petits enfants qui sauront transcender l’homosexualité de leur père ou grand père pour leur demander de l’argent, ils ne portent le flambeau que d’eux-mêmes, et observent leur progéniture avec lucidité et une circonspection bienveillante.

L’homosexualité, la vieillesse, la vieillesse, l’homosexualité, chaque âge a ses soucis principaux, mais quoi qu’il en soit Bernardine Evaristo est une compagnie de choix, on passe un moment avec des gens très intelligents, c’est-à-dire qui n’ont pas d’ambitions démesurées, hors de portée, hors de portée comme de montrer des airs martiaux sous le maquillage, en zozotant, ou glabre et bronzé comme un autre spécialiste de l’armée française en Afrique et qui dit nous quand il parle de l’armée française, les journalistes français disent nous quand ils parlent de la CIA, par inadvertance.

Donc si nous n’étions pas toutes et tous des idiotes et des idiots nous lirions Mister Loverman de Bernardine Evaristo, pour commencer à rompre le cou de ces virilités d’opérette qui nous déshonorent, remets ta perruque à l’endroit mon général, c’est la retraite.

La paternité, la grand paternité, cette lucidité assez humble qu’avant d’éduquer les enfants des autres, il faut d’abord se démerder comme on peut avec les siens, tous ces rapports entre êtres humains qu’il faut d’abord démêler avant de gouverner la Russie ou la Chine, Nganang a raison c’est l’hégémonie qu’il faut maintenant déconstruire, quand le journaliste croit objectivement être du bon côté, forcément, le coup de rein de la voix de son maître, de la vraie laideur, de la laideur qui ne se cache pas, la hideur du micheton qui se trémousse, le faux dit le vrai, le vrai veut s’ériger en incontestable, l’incontestable en doctrine alors que juste le fait d’être incontestable rend le vrai caduque, la vérité qu’il nous faut maintenant abolir c’est la pauvreté, abolir la pauvreté, c’est le programme, abolitions des écrasements.

Lisez ce Mr. Loverman, je me sens abandonné après avoir fini le livre, j’aurais bien voulu y rester un peu plus, je peux dévoiler la fin, l’intérêt du roman n’est pas là :

« Écoute-moi bien Barry, on se connaît depuis 1947 quand on était mioches . Ça fait soixante-quatre ans, hein ? Toi et moi, nous pouvons enfin envisager un avenir en commun, alors on ne se met pas à déterrer tous nos méfaits passés, d’accord ? Reste assis, confortablement, paisiblement, et écoute la seule et unique Miss Shirley Bassey, laisse-nous simplement vibrer, mec, le plaisir de vibrer ».

Tout un programme, chapeau Madame, et merci d’avoir fait preuve de tant de bienveillance envers deux vieux homosexuels au risque de montrer les femmes sous un jour moins flatteur dans ce livre-ci pour plaider la cause de ces deux vieux messieurs.

Pangolin

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