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« Au-dessous du volcan » Rencontres Littéraires de Goma. Sépia, 2019

Le rêve d’un catch littéraire.

Le rêve d’un catch littéraire.

Cet ouvrage rapporte le contenu de la première rencontre littéraire de Goma en Juin 2018. Goma, métropole des Grands Lacs située au carrefour de plusieurs pays : la RDC, le Rwanda, l’Ouganda, le Burundi, la Tanzanie, le Kenya, est un carrefour culturel et donc linguistique. On sait aussi qu’elle partage des conflits récents profondément douloureux. Que peut bien être la place de la littérature dans un contexte aussi atroce ?

Plutôt qu’une réflexion théorique, les organisateurs, Maéline Le Lay et Alexandre Mirlesse, ont fait le choix de donner la parole à des écrivains, édités ou non. Trois tables rondes leur ont permis de se rencontrer, d’échanger, de partager leurs approches. Elle a rassemblé des écrivains majoritairement congolais pour aborder la très difficile question de « l’écriture du conflit ».

La lecture de ce livre est stimulante parce qu’elle donne envie de lire et de lire encore. De nombreux extraits des écrivains présents ont été lus. Leur parole est vivifiante parce qu’elle existe, qu’elle réfléchit sur elle-même et qu’elle se renouvèle. C’est pourquoi, insister sur leurs publications est primordial.

Le concours de nouvelles lancé à cette occasion produit des textes différents, certes pas tous aussi aboutis les uns que les autres mais leur lecture reste très intéressante. Ils s’insèrent à la suite de chaque table ronde. Ils sont le choix du comité de lecture dirigé par Boniface Mongo M’Boussa. À Goma, en Juin 2018, écrire et lire a été une réponse à l’absurdité de la guerre.

Au-dessous du volcan est un titre emprunté au livre de Malcom Lowry.

Auteur de la préface, Pr Lye M.Yoka invite à « Transcender la psychose de la mort ambiante et (de) revenir à nous-mêmes ». Il plaide pour un élargissement de la notion de francophonie en soulignant que la RDC a su imposer quatre langues véhiculaires. Il veut promouvoir « cette tradition orale actualisée » et la « littérature musicale urbaine » qui, toutes deux nourrissent la langue française. Alexandre Mirlesse, en ouvrant cette première rencontre va dans le même sens, il convie les écrivains à « mettre de l’ordre, (de) rendre lisible le chaos apparent de la vie » (24). Maéline Le Lay s’appuie ensuite sur la phrase de Tchékov : « enterrer les morts et réparer les vivants » (31) avant d’ajouter qu’au Congo « la parole construit le pays ». L’objectif principal de ces rencontres, dit-elle, porte sur la forme, les formes que cette écriture du conflit décline bien davantage que sur les motifs du conflit et ses conséquences.

TABLE RONDE N°1 : des personnages d’enfants soldats.

Elle réunit Joëlle Sambi (qui vit en Belgique) et Blaise Ndala (qui vit au Canada). Blaise Ndala parle du livre de J.Sambi et souligne que le Monde est gueule de chèvre donne une réelle authenticité au personnage de Jerry, 13 ans. Selon lui, ce livre montre comment la guerre peut amener les gens à changer de rôle, à passer d’élève à bourreau par exemple. Interrogés sur leur point de vue en tant que membre de la diaspora, Blaise Ndala, quant à lui, s’affirme comme « écrivain africain » et pas comme écrivain de la diaspora (51) ; J. Sambi sait ce qu’elle doit à son enfance passée à Kinshasa.

« D’armes à feu et à sang » : première série de quatre TEXTES. Du côté des armes et des combattants, choisir son camp n’est pas si simple.

Les chemins de David de Natacha Songore. Dans un pays corrompu David décide tardivement de devenir un résistant. Son frère Elias est dans le camp opposé, du côté du parti état.

Le bivouac de la milice de Mathe Kisughu. Un père parle à son fils. À quoi peut bien servir la littérature ? Lui est écrivain, son fils, combattant dans un pays dirigé par un despote. Le fils disparait peut-être tué par la milice, la même qui l’a humilié. Le père a survécu et reste en proie à l’atroce interrogation. Où est son fils ?

Matricule 17 111 de Parfait Nzeimana. C’est l’histoire d’un jeune homme qui vient de terminer ses études. Il est amoureux de Nadia mais il doit faire son service militaire. C’est son service militaire qu’il raconte avec ses excès, son absurde violence. Devenu une sorte de Rambo, Parfait s’interroge sur son identité. Qui est-il ? Le matricule 17 111 ou l’amoureux de Nadia ?

Ce différend énigmatique de Kennedy Muhindo Wema. Un soldat qui fait partie de la garde rapprochée du chef des rebelles se retrouve face à face avec Virginie, une jeune fille dont il a été amoureux. Elle est devenue officier dans l’armée du gouvernement despote. Pour échapper à la mort, elle essaye de le séduire au moment où arrive la fiancée du soldat. Dilemme !

TABLE RONDE N°2. Les livres de l’après : les conflits relatés sont des conflits intérieurs.

Élise Rida Musomandera est l’auteure du livre d’Élise. Présenté par Jean Pierre Orban, son livre est un témoignage de la difficulté à raconter. Raconter à des rescapés n’est pas raconter à ceux qui n’ont pas vécu les faits. (110). J.P.Orban a écrit Toutes les îles et l’océan. Ce livre est un adieu à l’Afrique (114) qu’il se refuse à fictionnaliser : « qu’on fictionnalise le Congo, c’est tellement facile » (116)

Deux ouvrages liés à la table ronde 2

D’un trait de plume au vitriol : deuxième série de trois TEXTES. La volonté de tirer un signal d’alarme.

Le gaz à effet de serre de Thierry Nkinzo Mihigo dit le juif. Slam : « la guerre était devenue comme une immense cigarette »

Mwana Congo de Patrice Zézé. Déconstruire « cette véritable tour de Babel de préjugés » L’auteur mise sur la jeunesse congolaise. (129)

Lageri, je viens de nulle part de Maxime Kabemba Maneno. Témoignage de l’incompréhension face à l’état du pays.

TABLE RONDE N°3 : « autour de deux « conteurs »

Roland Rugero (auteur de Baho) souligne la grande humanité du peuple congolais, la grande empathie présente dans le livre de Guillaume Jan. L’entrelacement de la petite histoire et de la grande Histoire (celle de l’explorateur David Livingstone, celle de Stanley) fait de ce livre une véritable déclaration d’amour au Congo. Livre écrit dans une veine picaresque. Butoa Balingene parle du livre de R. Rugero : 109 pages dont les 13 chapitres s’ouvrent chacun sur un proverbe en kirundi avec une traduction française. C’est l’histoire d’un homme muet accusé de viol. Ce livre est marqué par la volonté de vivre. L’effet de force de la parole orale est très sensible.

Guillaume Jan et Rugero.

« De l’amour et autres démons. » : troisième série de trois TEXTES.

L’ombre du père, de Joyeux Juwe Kazimbe dit Bin Kabodjo Joyeux. La littérature peut-elle aider à trouver sa propre voie vers l’amour ?

Ne m’enterre pas de Claudia Munyengabe. Comment, par amour, un mari continue de séduire le cadavre de son épouse.

Première lettre de Dominique Celis. Première lettre d’un roman épistolaire en cours d’écriture. Après le génocide rwandais. Deux personnages : Lawurensiya, Vincent.

La meilleure soprano de Goma de Guillaume Jan. L’explosion volcanique du 17 janvier 2002. La renaissance de Goma, la jeunesse courageuse.

TABLE RONDE FINALE.

Roland Rugero affirme que la littérature fait partie des outils de la construction nationale et de la rencontre des peuples, de la discussion des peuples (202). Il parle de son rêve : le rêve d’un catch littéraire, un festival de littérature dans les langues de l’Afrique Centrale (203). Sont affirmées les idées qu’une écriture du conflit est une littérature de la quête, que reste posée la question de « comment écrire et sortir indemne de ce travail d’écriture » ? qu’il est indispensable de décoloniser la langue.

Sur les traces du passé : troisième série de quatre TEXTES :

L’ami malgré tout de Butoa Balingene. Le processus vers le démocraticide. Retour sur le temps de l’entraide et de l’amitié entre voisins, entre tribus.

Retours impossibles de Natacha Muziramakenga. Extrait d’un roman en cours. Comment raconter l’absence ? Lumumbashi. Kigali.

Portrait sans visage de Jean-Pierre Orban. François Madure est un peintre qui perd la mémoire. Il retourne en Afrique, « sous le volcan » pour retrouver les traces du visage d’une femme rencontrée en temps de guerre.

Lettre au soldat que j’ai connu de Blaise Ndala. Lettre à Maloka depuis Goma. « Est-ce qu’il t’a jamais dit que soldat, que martyr il voulait être, ton frère ? » (244) était la question de maman.(…) tu me déclaras (…) que soldat tu serais (247) « Et lorsque je reparlerai à maman depuis ta voix, je lui dirai que même si la patrie a oublié, il y a, dans ta ville, quelque chose qui ressemble à la chronique de lendemains qui chantent. » (249)

Ces premières rencontres littéraires ont été, à l’évidence, particulièrement fécondes.

S. LM-E

Au-dessous du volcan

#rwanda #écriture du conflit #congo

Copyright photode présentation de la chronique : Pierre-Yves Burgi.

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  1. Bonjour
    L:ecriture de la violence est une experience enrichissante et un exultoire
    Pour ceux qui ont eu l:audace de le faire, nous exprimons notre admiration
    Julie Pope i

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