menu Menu
La fin de Mame Baby - Gaël Octavia (2017)
Une rencontre au Salon du livre de Paris, une promesse tenue par un écrivain...
By Date Atavito Barnabe Akayi Posted in Antilles, Daté Atavito Barnabe-Akayi, Roman on 20 juin 2021 One Comment
Previous Habitant de nulle part  Originaire de partout - Souleymane Diamanka (2021) Next

Gaël Octavia, La fin de Mame Baby, Paris, Gallimard, coll. « Continents noirs », 2017, 176 p.

Paris, seize mars deux mil dix-huit. Je viens de finir de parler avec Florent Couao-Zotti posté devant le stand que Gallimard lui a réservé. Après lui avoir fait quelques photos, mon appareil remarque le sourire pur comme les mathématiques de Gaël Octavia que je ne connaissais point. Je lui achète sa Fin de Mame Baby, non sans l’avoir taquinée. Florent lui précise que je suis écrivain et que je pourrais bien lui faire le retour de ma lecture. Trois ans plus tard, voici mon retour !

Avec La fin de Mame Baby qui lui vaut le Prix Wepler-Fondation La Poste (Mention spéciale du Jury) 2017, Gaël Octavia, poète, dramaturge, nouvelliste et réalisatrice, signe un roman sur la condition féminine. Prenant pour motif, la disparition de la figure mystérieuse de Mame Baby, trois femmes, Aline, Suzanne, Mariette, aux destins intimement liés à la sienne vont tisser, de leurs voix tragiques, ce récit.

L’EFFACEMENT DE LA FEMME

Aline revient dans le « quartier » pour s’occuper de Mariette à la suite de Suzanne « la petite blanche », amante de Pierre, le fils de Suzanne et frère d’Aline. Pierre, un délinquant réputé pour sa violence caractérisée, meurt laissant sa mère et son amante dans un état psychologique fragile. En effet, les deux femmes ont entretenu le comportement violent de cet homme par amour comme la plupart des femmes, des mères du quartier. Mariette était si éprise de son fils qu’elle en oublia de s’occuper de sa fille qu’elle eut même l’idée d’offrir à Mame Baby. La mémoire de cette dernière est célébrée par l’Assemblée des femmes du quartier l’ayant érigée en idole pour les femmes. Mame Baby, au contraire des filles du quartier, s’est affranchie de toute contrainte par son intelligence et sa vertu. Elle accomplit de hautes études et projette de devenir enseignante-chercheure pour venir en aide aux habitants de son quartier, peu enclins à s’élever au-dessus de leur condition. Mame Baby était la meilleure amie de Mariette qui très tôt se laissa entraîner dans une histoire d’amour avec un étranger qui la vit bannir de sa famille. Lorsqu’elle revient après plusieurs années d’errance, pour se conformer au désir de son milieu, elle réussit à épouser un pasteur en tombant enceinte. Son amie Mame Baby la prévint que ce mariage ne la mènerait nulle part. Cette prophétie s’avéra : son mari frivole l’abandonna et elle reporta tout son amour sur son fils Pierre comme sa mère le fit avec son frère Léopold

« Une fois l’époux parti, c’est à lui qu’elle réservé tout le charme de son célèbre sourire, toute la chaleur de ses bras. » (p.145).

Ce faisant, elle ignora complètement sa fille, jusqu’à son nom, la désignant juste par « l’autre fille ».

A LA RECHERCHE DU PARAPLUIE MALE

Gaël Octavia peint une galerie de femmes dévastées par leur rapport avec les hommes, recherchant l’adoubement de leur communauté et dénuées de la moindre aptitude à se prendre en charge. Mariette viole l’ordre établi en aimant un étranger. Sa mère lui en veut au point de la chasser. Lorsqu’elle revient, la mère meurt, provoquant un mécanisme de culpabilité chez Mariette qui s’enlise dans un mariage dont l’échec était prévisible

« Quand on fait un enfant pour emmerder quelqu’un, cet enfant vous emmerde toute votre vie. » (p.128).

Mariette souffre du rejet de sa mère comme Aline porte le déni de sa mère. Fatalement, Mariette perpétue la haine de sa mère envers sa fille comme la mère de Suzanne finit par la chasser, ne pouvant supporter ses amours avec le délinquant noir Pierre. Les trois femmes ont en commun, ces mères rigides, toutes dévouées à leur progéniture mâle et ne tolérant aucune incartade de la part de leur fille. Elles partagent ce sentiment avec les autres femmes de la communauté au point que la vie de Mame Baby devient un mythe.

LE MYTHE DE MAME BABY OU LA MERE DEVORANTE

Mame, dernière-née d’une famille de cinq garçons, pas belle mais surdouée, recevra tout l’amour et le soutien de sa famille. Elle saura faire des choix responsables, évitera d’être distraite par les hommes et œuvrera pour le bien, mais plus que tout, essaiera de sauver Mariette de l’échec. Mame et Mariette sont les deux faces d’une même pièce présentant la destinée des femmes broyées par la domination masculine dans ses mécanismes les plus pervers et des femmes assez lucides pour choisir l’insoumission, la liberté.

La mémoire de Mame Baby permettra à Aline de se libérer de l’indifférence de sa mère, de vaincre sa boulimie qui compensait le manque d’affection maternelle, de quitter le quartier pour se refaire à neuf de sorte que Mariette ne la reconnaît même pas ni aucun autre habitant du quartier à l’exception de Suzanne, « la petite Blanche ». Gaël Octavia dépeint la capacité d’autodestruction et de destruction des femmes qu’elles transmettent à leurs enfants

« Le Quartier avait vite rapporté à Mariette les méfaits de Pierre, toute la laideur de sa violence. Mais même si elle surprenait la violence à son bras, Mariette en restait réduite à admirer la beauté de son fils, éternelle esclave de cette émotion-là. » (p.145).

Les figures de Mame et de Mariette s’opposent à travers la narration d’Aline. C’est elle qui rapporte les propos des autres femmes en les écoutant et se livrant le moins possible. Mariette est aussi belle que Mame est dotée d’un physique ingrat. Mariette aime les hommes, l’amour. Mame aime les études et la liberté. Mame a voulu montrer le chemin de la liberté à Mariette mais elle n’y a pas consenti. Entre les parcours de Mame, Mariette et Suzanne, Aline choisit Mame qui aurait pu être sa mère puisque Mariette a tenté de l’offrir à Mame (« l’éternel rempart contre la violence, d’où qu’elle vienne. » p.170), Mariette a rêvé une vie meilleure pour elle, insigne preuve d’amour

« Ma mère m’a donné Mame Baby », dirait-elle. Le plus beau cadeau d’une mère à sa fille. » (p.170).

Le mythe de la mère dévorante imprime sa présence obsédante à ce roman pour réparer à travers l’idéal de Mame Baby, les blessures des filles et des mères, pour initier la réconciliation des femmes avec elles-mêmes.

Daté Atavito Barnabé-Akayi

 

Mots-clés : Gaël Octavia, Martinique, Prix Wepler, roman, féminisme, genre, Barnabé-Akayi.
Copyright photo : Daté Atavito Barnabé-Akayi

Visit Us
Follow Me
20
Whatsapp
Tumblr

Barnabé-Akayi Féminisme Genre Martinique Prix Wepler Roman


Previous Next

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Cancel Laisser un commentaire

keyboard_arrow_up