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Ce texte est un ouvrage de référence pour découvrir la littérature africaine. Et le fait de le proposer en format de poche est une aubaine, pour celles et ceux qui veulent en savoir plus sur les littératures africaines. Le maître de cérémonie est le critique littéraire congolais Boniface Mongo-Mboussa.
On ne présente pas Boniface Mongo-Mboussa qui est une institution pour le blogueur que je suis. C’est le passeur de mots par excellence. C’est à l’occasion d’une rencontre littéraire en région parisienne, du côté de Bagneux, avec Léopold Congo Bemba, Daniel Biyaoula et Jean Roger Essomba, que j’ai rencontré le critique congolais. En 2004, je crois. Passeur de mots. Docteur en littérature comparée, formé en Russie et en France, il enseigne la littérature et il est l’auteur de plusieurs essais. Passeur de mots, il entretient cette capacité à se défaire de sa cape d’universitaire pour rendre accessible le propos des écrivains et de ceux qui analysent leurs discours pour le plaisir du lecteur lambda.
LES RACINES / L’ODEUR DES CLASSIQUES
Désir d’Afrique s’inscrit dans cette démarche d’initiation et de vulgarisation. Boniface Mongo-Mboussa propose aux lectrices et aux lecteurs un ensemble de photographies du monde des lettres francophones en 2000. Il commence par un état des lieux des classiques de la littérature africaine et antillaise. Dans cette première partie de l’ouvrage, il convoque tout d’abord Thomas Mofolo et son Chaka – écrit en sotho – dont d’autres figures de la littérature africaine se saisiront par la suite. Naturellement, il nous présente les pères de la Négritude en commençant par le moins connu d’entre eux, le Guyanais Léon Gontran-Damas, le premier à publier en 1937, Pigments. Déjà là, il y a une méthode qu’on retrouve dans les ouvrages de Mongo Mboussa : il fournit beaucoup d’éléments autour du contexte de production de l’oeuvre qu’il analyse et il met en valeur la personnalité ou les actions publiques de l’auteur. Par exemple, on découvre que Gontran-Damas a fait partie d’un groupe antillais, Légitime Défense, et sert de courroie de transmission avec le mouvement naissant de la Négritude. On peut même deviner une hiérarchisation non dite de ces trois maîtres des mots que sont Gontran-Damas, Césaire et Senghor. Dans cette odeur des classiques qu’il convoque pour une relecture, il évoque d’autres figures très importantes des lettres africaines comme le conteur et poète sénégalais Birago Diop, le flamboyant Amos Tutuola ou encore Chinua Achebe. Que dire de Camara Laye, Ferdinand Oyono, Mongo Beti, ou encore Sembène Ousmane ? La liste est loin d’être exhaustive, mais ces quelques noms vous renvoient à des classiques que vous avez lus ou dont vous avez certainement entendu parler.
Mongo-Mboussa introduit des thèmes pour mieux évoquer ces classiques des lettres africaines souvent en langue française : Le degré zéro de l’exil – La littérature africaine, fille de l’errance – Le pleurer-rire des écrivains africains – ou encore – Les Tirailleurs et la France un passé qui ne passe pas. Dans cette phase, il n’est pas seulement question d’égrener la liste des classiques mais de commenter aussi des caractéristiques d’écriture communes, des pratiques littéraires comme l’ironie, l’usage de l’humour qu’il observe chez plusieurs auteurs de cette période.
« C’est pourquoi il est grand temps de relire nos classiques. Non pas pour les opposer aux « modernes ». Mais pour marquer une continuité et surtout pour mettre en exergue la modernité de certains textes. » p.21
Mieux lire. Améliorer la réception des œuvres classiques à l’aune des auteurs dits modernes. Il donne la parole à certains de ces auteurs historiques. Nous sommes en 2002. Cela complète donc le travail du critique littéraire et c’est surtout savoureux de voir Mongo Beti, Wolé Soyinka, Cheikh Hamidou Kane s’exprimer sur leur démarche artistique, parfois politique. Je vous laisse découvrir leurs réponses aux questions du critique congolais.
LES MODERNES
Le regard de Boniface Mongo-Mboussa est porté avant tout sur la littérature francophone, même s’il n’hésite pas à étendre le scope à certains auteurs anglophones. Fragrances modernes. Qui sont les « modernes » ? Quelles sont ces nouvelles odeurs ? Pour faire simple, c’est une photo assez large des auteur(e)s qui occupent la scène littéraire au moment où Mongo-Mboussa entreprend ce projet. En 2000. Ainsi, il va nous croquer les actualités d’auteurs comme le Djiboutien Waberi, la Sénégalaise Ken Bugul, le Malgache Raharimanana ou encore le Togolais Sami Tchak… Je mesure combien les parutions sur cette période ont été denses et d’une grande qualité. Il donne ici la parole. Par exemple, Raharimanana s’exprime à propos de Nour 1947, un texte qui me semble central dans le travail de cet écrivain. Il a construit des spectacles autour, réalisé de magnifiques portraits de survivants avec Philippe Men. Il nous brosse une lecture poétique de l’histoire de sa grande île. Il est donc intéressant de découvrir les réponses précises, les clés de lecture qu’offre l’écrivain malgache à propos de ce roman. Il serait intéressant de rester sur Raharimanana qui est l’un des auteurs les plus innovants de sa génération. Mais on pourrait également convoquer Ken Bugul qui revient sur Riwan ou le chemin de sable (éd. Présence Africaine) sur un thème original que j’ai déjà abordé dans mon blog littéraire. Vous pourrez aussi découvrir les fondements de cette question à laquelle n’a eu de cesse de répondre l’écrivain Kossi Efoui : « La littérature africaine n’existe pas ». A propos de La Polka, Kossi Efoui répond ceci au sujet de l’accueil de ce livre :
« Je me réjouis que l’on parle de ce livre comme on parle de n’importe quel livre, qu’on n’aille pas encore chercher des références idéologiques, politiques, historiques, sociologiques liées à l’Afrique pour comprendre ce livre »parce que c’est un roman africain » qu’on puisse, avec un regard de lecteur, de critique, en parler comme on parle habituellement des livres ».
Mais il ne faut pas réduire l’échange à une phrase et dans cet interview avec Kossi Efoui, le critique littéraire permet à l’écrivain de raconter ces deux premiers romans La polka et La fabrique des cérémonies en traitant quelques thèmes majeurs de son travail.
Ce livre s’inscrit dans un temps donné. C’est une vraie plongée dans une époque. De ce fait, Mongo-Mboussa ne peut ignorer la question du génocide tutsi au Rwanda. De fort belle manière il parle à la fois les initiatives connues du grand public comme le projet « Rwanda : écrire par devoir de mémoire » initié par l’écrivain Tchadien Nocky Djedanoum. Mais aussi il souligne le propos d’universitaires comme Catherine Coquio ou les premiers récits d’auteurs rwandais comme Yolande Mukagasana. Ces interviews rondement menés donnent au lecteur une autre perception de ces textes déjà difficiles à lire. Quelque soit la forme de regard proposée ici par les différents écrivains ou enseignants, l’impact de l’expérience d’écriture et le renouvellement des individus qui témoignent à posteriori sont des constantes dans les échanges sur ce drame africain. A lire ici, V. Tadjo, B. B. Diop, Catherine Coquio ou Nocky Djedanoum.
Le point de vue des îliens est également très instructif avec des modes d’expression très différents selon les auteurs qui répondent. Mongo-Mboussa nous offre ses échanges avec le Mauricien Edouard Maunick, les Guadeloupéens Ernest Pépin et Daniel Maximin, le Martiniquais Edouard Glissant pour ne citer que ceux-là. Entre la parole érudite de Glissant, le parler direct du poète Maunick, dans les deux cas, l’occasion est donnée aux lecteurs de saisir les grandes lignes des pensées de ces auteurs importants. En passant parfois par leur actualité littéraire. Regards sur la créolité, sur l’Afrique, sur la négritude, sur l’histoire de l’esclavage, sur la réception de leurs travaux auprès du lectorat.
Dans ce temps donné, il y a les congolais et leurs « flamboyances ». Encore une affaire d’odeurs et de couleurs. Encore une affaire de sens pour susciter le désir. J’imagine que l’expression est un clin d’oeil au roman d’Henri Lopes, Le lys et le flamboyant. Ou à la sape… L’approche comparative entre Chéri Samba et Sony Labou Tansi est de mon point de vue très judicieuse. L’un est peintre mondialement reconnu. L’autre est écrivain et il jouit de la reconnaissance de ses pairs. Sous des atours « flamboyants » faussement naïfs, la peinture de Chéri Samba porte un discours critique tant sur la société congolaise qu’il décrit que sur les instances de légitimation de son travail qui sont évidemment très loin de la RDC. On sent dans le propos de Mongo-Mboussa une forme de célébration de la lucidité du peintre congolais. Il y a chez Sony Labou Tansi une démarche qui semble similaire alors qu’il produit son oeuvre littéraire depuis un état totalitaire. Par un subtil jeu de parrainage d’abord au sein du système monopartiste congolais puis avec la coopération française. Selon Mongo-Mboussa :
« L’originalité de Sony Labou Tansi ne réside pas dans la dénonciation des tyrans comme l’ont écrit les critiques, mais plutôt dans la critique du langage autoritaire du pouvoir politique. A cette langue stérile du pouvoir, Sony Labou Tansi oppose une langue »personnelle » ».
L’ODORAT DE L’AUTRE
Pour avoir vécu mon adolescence dans ce système marxiste, je comprends très bien le propos de Mongo-Mboussa qui sonne comme une invitation à relire l’écrivain congolais sous cet angle afin de mieux saisir les « mochetés » qui peuplent ses livres. Il revient sur les ambiguïtés de Sony avec la Francophonie culturelle. Thème sur lequel Jean Michel Devesa, universitaire français donnera de nombreux éléments d’appréciation dans le chapitre L’odeur de l’autre où parole est donnée à des pontes de la critique universitaire française. Dans Mort et vie de Sony Labou Tansi, Devesa nous renvoie à une question assez forte, souvent éludée : Dans quelle condition nos écrivains les plus significatifs produisent-ils leurs œuvres ? La prise de parole de Bernard Mouralis est naturellement engageante sur la critique de la littérature africaine en général et sur son approche personnelle. L’interview constitue une réelle invitation à découvrir son travail. La question du postcolonialisme à laquelle répond Jean-Marc Moura est toujours d’actualité. La frilosité des universitaires français, voir leur silence semble toujours de mise dans cet espace. Le prétexte de la forme importée de cette démarche « anglo-saxonne » ressemble à des éléments de discussion et un déni sur la logique de certaines violences policières en France. Palabres et fermetures observées après le meurtre de George Floyd. Sur ces questions d’odeur, on est toujours dans l’actualité.
Ça suscite l’attention et la curiosité de plonger dans la littérature à la découverte d’une réalité réalité vécue et d’une histoire à apprendre dans un Contour culturel.
Si je me fie à ce compte rendu de lecture, Boniface Mongo Mboussa s’adresse ici à tou.tes les amateur.es de littérature africaine en général et francophone en particulier. Mais comment écrire un ouvrage avec une telle ambition en omettant Alain Mabanckou? A moins que dans votre recension de l’ouvrage vous, Gangoueus, n’ayez sciemment évité de l’évoquer. Sinon, je suis impatient de lire cette magnifique contribution. Mais avec la pandémie du coronavirus, je prendrai mon mal en patience en attendant que le livre traverse l’Atlantique jusqu’en Amérique du Nord.
Il est essentiel de noter le point suivant. Ce livre a été publié en 2002. Et pour être assez précis, l’état des lieux de Boniface Mongo-Mboussa est une sorte d’état des lieux de littérature francophone au passage du nouveau millénaire. Alain Mabanckou avait certes déjà obtenu le grand prix littéraire d’Afrique noire avec Bleu-Blanc-Rouge et avait produit de la poésie et son second roman Et Dieu seul sait comment je dors. Mais on peut dire qu’il s’est imposé véritablement sur la scène avec Verre cassé. Donc, Mongo-Mboussa ne commet pas d’impair à ce moment, en tenant compte des sujets, des thèmes qu’il aborde. La place qu’il accorde à Tchicaya U Tam’si, Sony Labou Tansi, Emmanuel Dongala, Henri Lopes, qui ont, au moment de la parution du livre, une oeuvre dense, peut aussi expliquer à ce moment précis qu’il ne fasse pas la part belle à Mabanckou.
Ça suscite l’attention et la curiosité de plonger dans la littérature à la découverte d’une réalité réalité vécue et d’une histoire à apprendre dans un Contour culturel.
J’aime
Nous vous encourageons, cher Désiré, à faire le grand plongeon dans cette belle littérature.
Au plaisir de vous relire.
Si je me fie à ce compte rendu de lecture, Boniface Mongo Mboussa s’adresse ici à tou.tes les amateur.es de littérature africaine en général et francophone en particulier. Mais comment écrire un ouvrage avec une telle ambition en omettant Alain Mabanckou? A moins que dans votre recension de l’ouvrage vous, Gangoueus, n’ayez sciemment évité de l’évoquer. Sinon, je suis impatient de lire cette magnifique contribution. Mais avec la pandémie du coronavirus, je prendrai mon mal en patience en attendant que le livre traverse l’Atlantique jusqu’en Amérique du Nord.
Bonjour Benjamin,
Il est essentiel de noter le point suivant. Ce livre a été publié en 2002. Et pour être assez précis, l’état des lieux de Boniface Mongo-Mboussa est une sorte d’état des lieux de littérature francophone au passage du nouveau millénaire. Alain Mabanckou avait certes déjà obtenu le grand prix littéraire d’Afrique noire avec Bleu-Blanc-Rouge et avait produit de la poésie et son second roman Et Dieu seul sait comment je dors. Mais on peut dire qu’il s’est imposé véritablement sur la scène avec Verre cassé. Donc, Mongo-Mboussa ne commet pas d’impair à ce moment, en tenant compte des sujets, des thèmes qu’il aborde. La place qu’il accorde à Tchicaya U Tam’si, Sony Labou Tansi, Emmanuel Dongala, Henri Lopes, qui ont, au moment de la parution du livre, une oeuvre dense, peut aussi expliquer à ce moment précis qu’il ne fasse pas la part belle à Mabanckou.
En tant qu’étudiant en Littérature et langue française, j’aimerais avoir accès à vos publications.