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Coups de pilon - David Diop (1973)
La négritude selon David M. Diop
By Gangoueus Posted in Cameroun, Gangoueus, Poésie, Sénégal on 20 février 2021 8 Comments
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Editions Présence Africaine, Collection Poésie, 1973
Réédition
La négritude est un vaste mouvement littéraire dont Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor et Léon Gontran-Damas ont été le fer de lance. Derrière ces poètes, de nombreux écrivains, conteurs, scientifiques se sont inscrits dans cette démarche. On peut citer un jeune poète, David Mandessi Diop, mort trop tôt, à 33 ans, au cours d’une catastrophe aérienne. Coups de pilon est son premier et unique recueil de poésie.

Un peu de poésie

Coups de pilon est un recueil de textes de poésie écrits entre 1946 et 1957. L’écrivain est né en 1927 à Bordeaux d’un père sénégalais et d’une mère camerounaise. David Diop, à la jointure de deux mondes, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, a passé une partie de son enfance en France. J’imagine que cette construction explique en partie la sensibilité et l’ouverture du jeune poète dont les premiers vers ont été publiés alors qu’il n’a que dix neuf ans. Coups de pilon est donc développé avec à la fois la fougue d’une jeunesse révoltée qu’il incarne avec ses mots et une profonde maturité et efficacité dans le style et le propos. David M. Diop choisit une forme percutante et accessible en opposition à l’écriture ronflante et pompeuse de certains poètes de l’époque. Est-ce parce qu’il a conscience que l’idéal d’une poésie africaine se doit d’être en langue africaine (cf. Contribution au débat sur la poésie nationale. Revue Présence Africaine n°VI) et que l’effort du poète est d’être audible et non de respecter les codes historiques d’une poésie française ? Naturellement, je rajoute mon sel dans cette affaire.
« Pleure. Ta route est longue
   Pleure. Ton fardeau est lourd.
   Pleure surtout : Ta peau est noire.
   Et pourtant,
   Chanter c’est ta vie.
   Danser ta joie,
   Aimer ton désir. » p.59
Ne reformule-t-il pas une thèse de Senghor ? Ce poème en dit long. Je dirai même qu’il dit tout. Sombre-t-il dans un misérabilisme et dans une victimisation chronique ? Non. David Mandessi Diop rappelle aux Nègres quelques clés pour avancer. Avoir conscience d’un état, d’une condition, rappeler les ressources que son lecteur de l’époque et d’aujourd’hui possède pour affronter une rude destinée.

Négritude

David M. Diop est incontestablement un écrivain de la Négritude. Il incarne le sujet, s’empare du mot qui est à la frontière de plusieurs mondes, plusieurs contextes, plusieurs périodes, plusieurs lieux d’exploitation : l’Amérique, l’Europe, l’Afrique où le nègre subit moult turpitudes.
« Dimbokro Poulo Condor La ronde des hyènes autour des cimetières La terre gorgée de sang  les képis ricanent Et sur les routes le grondement sinistre des charrettes de haine Je pense au vietnamien couché dans la rizière Au forçat du Congo frère du lynché d’Atlanta » L’agonie des chaînes, p.13.
Je pense à Césaire et à son cahier d’un retour au pays natal en lisant cette séquence et je sais que vous savez à quel poème du Martiniquais je fais référence. Dans l’esprit de Diop, le Vietnamien est aussi un nègre. La vision du poète ne saurait s’enfermer dans un territoire et sur une race. Le mot nègre est plus vaste que cela. D’ailleurs, pourquoi le monde des lettres peine-t-il à se défaire de ses nègres ? J’imagine une discussion qu’il aurait eu avec son jeune frère congolais Tchicaya U Tam’si. Ce dernier affirmant sa congolité, là où David M. Diop a une vision plus large, diasporique, transnationale de la condition du nègre. Aussi le poème, A un enfant noir, est surement adressé à la mémoire d’Emmett Till, sauvagement assassiné dans le Mississipi pour un regard supposé de travers porté sur une femme. S’il est question du nègre dans la poésie de Mandessi Diop, il scrute également la sensualité de la femme noire d’une plume vive. Sa poésie se déploie pour dire combien cette dernière nourrit sa pensée d’abord par son corps. Mais, il ne fait pas dans la célébration puérile :
« La nature t’a dotée
   D’une plastique agréable
   Tes yeux sont un gouffre
   Où très vite on se noie
   Ta poitrine insolente
   Au monde lance un défi
   Le balancement de tes hanches
   Facilement donne le vertige
   Tes jambes, belle négresse,
   J’en devine
   Et les contours harmonieux,
   Et la douceur de l’épiderme
   Amour ? Désir ? Démon ?
   Oui, Démon est ton nom. »  p.55. Démon
Chacun, chacune prendra ce poème comme il l’entend. Je trouve intéressant son propos à mettre en regard avec tous les autres poèmes où il évoque la femme noire.

Cinq poèmes*

David Diop a sûrement produit là ses meilleurs poèmes. Non pas forcément par leur écriture. Mais parce que ces cinq poèmes publiés initialement dans la revue Présence Africaine et dans L’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de Senghor, traduisent parfaitement l’esprit d’une époque. Le texte Le temps du martyre est à lire. Certains le trouveront manichéen, violent. Il dit une période. il dit la colonisation. Il dit la traite négrière. Il dit l’esclavage. Il dit la ségrégation raciale.
Rien n’enlèvera de mon esprit la fraicheur de sa poésie, de sa jeunesse, de son désir de liberté et son refus des cloisons de l’Histoire. Il faut relire David M. Diop. Pardonnez-moi cette prescription qui me semble impérative. Après votre lecture, je vous propose que nous en discutions, ici.
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    1. Ca peut vouloir dire plusieurs choses. Le pilon est un outil avec un mortier pour exploser, écraser un légume, un fruit, une viande. Qui dit pilon, dit écrasement, émiettement après son action. Il y a une idée de destruction. Mais en même temps, en cuisine, il s’agit de recomposition. Il faut repérer dans le recueil de poésie si un poème fait référence à cette métaphore. La couverture nous dit quelque chose. Dans le mortier, nous avons une tête qui émerge. Est-ce le produit qui va être réduit en bouillie. Est-ce une métaphore de ce que dénonce David Mandessi Diop ? C’est votre lecture du recueil de poèmes qui vous permettra de comprendre cette subtilité.

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