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By Karen Ferreira-Meyers Posted in Karen Ferreira-Meyers, Ouganda, Roman on 15 juillet 2023 One Comment
The First Woman by Jennifer Nansubuga Makumbi
453 pages, Oneworld Publications, 2020 (Prix Jhalak 2021)
Karen Ferreira-Meyers, 4 juillet 2023
The First Woman de Jennifer Nansubuga Makumbi entraîne les lecteurs dans un voyage captivant à travers la vie de Kirabo, une jeune fille curieuse qui grandit dans le petit village ougandais de Nattetta. Le roman entrelace les thèmes de la maternité, de la condition féminine et du pouvoir, sur fond de dictature d’Idi Amin, créant ainsi une riche tapisserie à la fois poignante et humoristique.
L’histoire tourne autour du désir ardent de Kirabo de découvrir l’identité de sa mère, un mystère qui semble enveloppé de secret par ceux qui lui sont les plus proches. Élevée par des grands-parents aimants et visitée sporadiquement par son père, Tom, un homme qui tente de se faire une place à Kampala, la quête de réponses de Kirabo la conduit vers la sorcière énigmatique du village, Nsuuta. Ses rencontres avec Nsuuta, dont la cécité ajoute une aura de mystère, guident Kirabo vers la compréhension de sa capacité unique à quitter son corps et à s’élever au-dessus de son quartier.
Grâce à Nsuuta, Kirabo découvre le concept de la « première femme », Nnambi, et comment le pouvoir et l’indépendance des femmes ont été réprimés au fil du temps pour s’insérer dans une société dominée par les hommes. Alors que Kirabo lutte avec ses propres sentiments de différence, sa recherche des vestiges de la « première femme » façonne son récit, un voyage de découverte de soi dont elle est souvent inconsciente.
Le génie narratif de Makumbi brille alors que le roman conduit les lecteurs à travers cinq sections distinctes, chacune révélant une Kirabo plus âgée et plus mature. De l’époque précoloniale aux tumultes du régime d’Idi Amin, l’auteure juxtapose habilement de vastes événements historiques avec les détails de la vie quotidienne, créant une atmosphère surréaliste mais familière.
La toile du roman s’étend du paisible village rural à la trépidante ville de Kampala, où Kirabo est emmenée par son père. Parmi les lumières de la ville, les rêves de Kirabo d’une famille parfaite sont brisés lorsqu’elle se retrouve face à une belle-mère et à des demi-frères et demi-sœurs qu’elle ignorait. Le contraste entre les publicités idylliques de familles heureuses et la réalité de sa vie ajoute de la profondeur au parcours émotionnel de Kirabo.
Alors qu’elle est envoyée dans une école prestigieuse, Kirabo navigue à travers les complexités des amitiés, des rivalités et de l’éveil de sa sexualité. Makumbi capture brillamment l’essence de l’adolescence et les nuances culturelles qui façonnent les expériences de Kirabo.
Tout au long du roman, Makumbi explore sans hésitation la préservation et la valorisation du pouvoir des femmes, entrelaçant des thèmes féministes dans le récit. Le premier amour de Kirabo, Sio, lui fait découvrir le « mwenkanonkano », le mot luganda pour le féminisme, ce qui l’amène à réfléchir à sa pertinence et à ses limites dans sa société.
Le livre ne se contente pas d’explorer le parcours personnel de Kirabo, il offre également une perspective plus large sur l’histoire et les dynamiques sociales de l’Ouganda. Le récit passe sans effort d’une période à une autre, permettant aux lecteurs de comprendre les complexités des querelles familiales et villageoises, des secrets et des traditions.
Un roman captivant. Jennifer Nansubuga Makombi possède véritablement l’art du conte, de la narration.
Pour information, la parution de la traduction française de ce magnifique roman est programmée en mars chez Métaillé.